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résistance - Page 23

  • Au bistro de la toile : sauver les végétariens et végans de la famine.

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    - Victor, il faut faire quelque chose.

    - C’est un appel au secours Loulle ? Si c’est toi qui me demandes, c’est oui. Mais faire quelque chose pour qui ? Pour quoi ?

    - Eh bien pour ces pauvres végétariens et ces malheureux végans.

    - Tu veux fonder la S.P.V.V., la Société Protectrice des Végétariens et Végans, ou un truc comme ça ? Mais pourquoi ? Ils se débrouillent plutôt bien pour faire parler d’eux ces gens. On les entend dans tous les me (r) dias…

    - Ouais. C’est vrai mais pourtant il risquent de mourir de faim, Victor. La famine les guette !

    - Eh ! Oh ! Doucement Loulle. C’est pas l’herbe qui manque tout de même !

    - Ne crois pas ça Victor. Le rétrécissement des terres agricoles, le bétonnage des campagnes, la sécheresse font qu’il n’y a de moins en moins d’herbe. Et puis, Victor, il y a la terrible et déloyale concurrence des vaches, des moutons, des cochons et même des chevreuils, des sangliers, des lapins, des cerfs et autres bestiaux gloutons qui dévorent sans vergogne la nourriture de nos malheureux végétariens et végans, les VV.

    - Mais c’est vrai ça, Loulle. Je n’avais pas vu ça sous cet angle. Ah les vaches ces vaches ! Et puis, ça pète les vaches, et ces énormes pets polluent l’atmosphère, augmentent l’effet de serre et donc participent au changement climatique.

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    - Alors, qu’est-ce qu’on peut faire pour sauver les végétariens et les végans de la famine qui les guette ?

    - La seule chose qu’on puisse faire, Loulle – et les végétariens et végans nous en remercieront chaleureusement j’en suis sûr – c’est de lutter contre la prolifération de ces vaches de vaches.

    - Comment ?

    - Ben, en se sacrifiant pour les bouffer Loulle !

    - En voilà une idée qu’elle est bonne, Victor.

    - Justement, à midi, on va lutter pour sauve les VV : on va manger une côte de bœuf. D’ailleurs, Loulle, je t’invite à te sacrifier avec la Lionne et moi pour manger ce bout de bestiau et l’empêcher ainsi de manger l’herbe de ces pauvres VV.

    - Oh fatche, Victor, je sens d’ici des fragrances qui m’incitent au sacrifice carnivore.

    - Eh ! Approchez votre nez de l’écran. Vous sentez ? Hum ! C’est les morilles que la Lionne - c’est ma compagne - fait doucement suer et revenir dans le gras fondu de quatre tranches de lard dont elle a retiré et réservé les croustillances parfumées. Elle a d’abord soigneusement réhydraté les morilles sèches dans de l’eau.

    Dans une autre poêle, elle fait blondir quatre échalotes et deux oignons doux du Vigan ou de Lézignan hachés assez fins. Quand les morilles ont sué leur eau, elle les mêle avec les oignons, rajoute deux noix de beurre, couvre et laisse cuire lentement à feu doux. Les morilles, qui sont toxiques crus, doivent cuire assez longtemps. Une trentaine de minutes.

    Il me revient de cuire la côte de bœuf. Du bœuf de l’Aubrac. D’un rouge tendre délicatement persillé. Je vais la cuire dehors, sur la vieille forge (oui, vous savez, ces petites forges carrées, avec une soufflerie qui siffle lorsqu’on la tourne à la main ; il y en avait dans toutes les fermes) que j’ai transformée en barbecue. La braise est belle. La côte vient de reposer une heure à température ambiante, badigeonnée d’huile d’olive et parsemée de grains de thym. Je vais la saisir sur feu vif quatre minutes d’un côté, quatre de l’autre, puis, entourée de papier d’alu, je vais la laisser finir sa cuisson interne, au chaud dans le four ouvert, le temps que la Lionne finisse sa sauce.

    - Coquin de sort Victor ! Compte sur moi pour te soutenir dans cette épreuve.

    - La côte jubile dans son écrin brillant, au chaud dans le four ouvert, à côté du gratin dauphinois. La Lionne attaque la finition : elle verse dans son appareil de morilles deux cents grammes de crème fraîche. Elle touille, elle touille, rectifie le goût avec poivre et sel puis ajoute un verre de muscat de Beaumes-de-Venise.

    - Bon. Je ferme le rade, j’embarque Berty et j’arrive. J’ai les papilles qui s’estransignent !

    - À la nôtre Loulle ! On va lutter pour sauver les végétariens et végans, - les VV - de la famine !

     

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  • Grandes voix: Victor Hugo en exil

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    La conscience humaine est morte ; dans l’orgie,
    Sur elle il s’accroupit ; ce cadavre lui plaît ;
    Par moments, gai, vainqueur, la prunelle rougie,
    Il se retourne et donne à la morte un soufflet.

    La prostitution du juge est la ressource.
    Les prêtres font frémir l’honnête homme éperdu ;
    Dans le champ du potier ils déterrent la bourse ;
    Sibour revend le Dieu que Judas a vendu.

    Ils disent : – César règne, et le Dieu des armées
    L’a fait son élu. Peuple, obéis, tu le dois ! –
    Pendant qu’ils vont chantant, tenant leurs mains fermées,
    On voit le sequin d’or qui passe entre leurs doigts.

    Oh ! tant qu’on le verra trôner, ce gueux, ce prince,
    Par le pape béni, monarque malandrin,
    Dans une main le sceptre et dans l’autre la pince,
    Charlemagne taillé par Satan dans Mandrin ;

    Tant qu’il se vautrera, broyant dans ses mâchoires
    Le serment, la vertu, l’honneur religieux,
    Ivre, affreux, vomissant sa honte sur nos gloires ;
    Tant qu’on verra cela sous le soleil des cieux ;

    Quand même grandirait l’abjection publique
    À ce point d’adorer l’exécrable trompeur ;
    Quand même l’Angleterre et même l’Amérique
    Diraient à l’exilé : – Va-t’en ! nous avons peur !

    Quand même nous serions comme la feuille morte ;
    Quand, pour plaire à César, on nous renierait tous ;
    Quand le proscrit devrait s’enfuir de porte en porte,
    Aux hommes déchiré comme un haillon aux clous ;

    Quand le désert, où Dieu contre l’homme proteste,
    Bannirait les bannis, chasserait les chassés ;
    Quand même, infâme aussi, lâche comme le reste,
    Le tombeau jetterait dehors les trépassés ;

    Je ne fléchirai pas ! Sans plainte dans la bouche,
    Calme, le deuil au cœur, dédaignant le troupeau,
    Je vous embrasserai dans mon exil farouche,
    Patrie, ô mon autel ! Liberté, mon drapeau !

    Mes nobles compagnons, je garde votre culte ;
    Bannis, la République est là qui nous unit.
    J’attacherai la gloire à tout ce qu’on insulte ;
    Je jetterai l’opprobre à tout ce qu’on bénit !

    Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre,
    La voix qui dit : malheur ! la bouche qui dit : non !
    Tandis que tes valets te montreront ton Louvre,
    Moi, je te montrerai, César, ton cabanon.

    Devant les trahisons et les têtes courbées,
    Je croiserai les bras, indigné, mais serein.
    Sombre fidélité pour les choses tombées,
    Sois ma force et ma joie et mon pilier d’airain !

    Oui, tant qu’il sera là, qu’on cède ou qu’on persiste,
    Ô France ! France aimée et qu’on pleure toujours,
    Je ne reverrai pas ta terre douce et triste,
    Tombeau de mes aïeux et nid de mes amours !

    Je ne reverrai pas ta rive qui nous tente,
    France ! hors le devoir, hélas ! j’oublierai tout.
    Parmi les éprouvés je planterai ma tente :
    Je resterai proscrit, voulant rester debout.

    J’accepte l’âpre exil, n’eût-il ni fin ni terme,
    Sans chercher à savoir et sans considérer
    Si quelqu’un a plié qu’on aurait cru plus ferme,
    Et si plusieurs s’en vont qui devraient demeurer.

    Si l’on n’est plus que mille, eh bien, j’en suis ! Si même
    Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
    S’il en demeure dix, je serai le dixième ;
    Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là !

    Victor Hugo

     

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  • La révolte des pères Noël en gilet jaune !

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    Dans une pièce quelque part dans le Grand Nord se tiennent quatre personnages. Au centre, un homme d’affaire avec l’uniforme de sa fonction : costumes sombre, cravate, attaché-case. Il fait les cent pas nerveusement. A ses côtés, trois pères Noël en robe rouge bardée...d'un gilet jaune !

    L’homme d’affaires les tance en globish :

    — Messieurs les pères Noël, votre attitude est inadmissible ! Mais qu'est-ce que c'est que ce déguisement ? Un gilet jaune sur votre houppelande rouge ! Que va penser notre sponsor Coca cola, c'est lui qui paie vos houppelandes. Et chers ! Mais enfin qu'est-ce qu'il vous prend ? Vous mettre en grève, dans le monde entier, la veille de Noël ! C’est un coup de force inacceptable. Virés ! Tous ! Vous allez tous être virés ! Un plan social planétaire ! Fired ! FIRED !

    Auriez-vous oubliés, Messieurs que c’est nous — le monde des affaires, les usines de jouets, le grand commerce — qui vous avons créé ? Qui vous avons inventé pour servir les intérêts de nos actionnaires ?

    Auriez-vous oubliés que vous n’avez d’autre légitimité que celle du commerce ? Votre existence même est liée à l’efficacité avec laquelle vous incitez les enfants, et surtout leurs parents à acheter, acheter, acheter ! Acheter toujours plus de jouets toujours plus chers, toujours plus compliqués. Ceci afin que nos usines tournent, que nos établissements vendent, que nos profits se gonflent. Pour le plus grand bien de nos actionnaires, les retraités américains. Votre seule fonction est de faire en sorte que les enfants engraissent les retraités du Wisconsin et de Dallas ! Compris ?

    Le père Noël le plus barbu, bardé d'un grand gilet jaune fluo, prend alors la parole :

    — Nous savons pertinemment que c’est vous, les gens des affaires, qui nous avez inventés. Nous savons très bien que nous n’avons pas de légitimité religieuse ou mythique, comme Saint-Nicolas, comme la Babouchka, comme la Béfana. Autant de personnages sympathiques, reflets de cultures ancestrales à travers le monde, et que vous avez — à travers nous — ridiculisés, ringardisés et jetés aux oubliettes. Nous savons tout cela.

    — Alors fermez-là et travaillez ! Travaillez ! Vous m’entendez ? Prenez vos rennes — un troupeau dont l’entretien toute l’année nous coûte beaucoup d’argent tout comme ce siège social en Laponie, une folie qu'il nous faut rentabiliser. Prenez vos rennes et partez livrer les produits de nos usines. Nous avons investi en promotion et publicités des milliards et des milliards. Ce n’est pas pour que le profit qu’en attendent nos actionnaires soit mis à mal par les états d’âme d’employés subalternes tels que vous !

    — Non. Nous ne travaillerons pas cette nuit de Noël. Nous refusons de continuer à nous faire les complices d’une gigantesque opération de racket mondial et d’abrutissement de l’enfance. Nous ne livrerons pas vos jeux électroniques basés sur la violence et la mort. Nous ne livrerons pas tous ces gadgets, très chers, trop chers, qui ruinent les parents et n’intéressent que peu les enfants.

    — Ggrrrr ! ! ! ! C’est une catastrophe ! Nos profits ! Mes stock-options ! Avec le mal que nous nous donnons depuis des années pour imposer aux enfants l’usage de nos jeux électroniques…

    — Nous qui connaissons les gosses, nous qui voyons le rêve dans leurs yeux la veille de Noël, savez-vous ce que nous avons remarqué ? C’est que les enfants, au matin tant attendu jouent surtout… avec les cartons d’emballage des jouets coûteux que vous leur imposez ! Voilà pourquoi nous refusons dorénavant de nous faire les complices de votre entreprise de négation du rêve, de négation de toute culture. Nous refusons — nous pères Noël du monde — d’être vos instruments dans cette entreprise d’acculturation mondiale : partout une seule et même musique, partout les mêmes jouets chers et tuant l’imagination, partout une seule idéologie, celle de l’argent, du fric, du pognon.

    Nous voulons, nous, pères Noël, que les enfants du monde rêvent, réfléchissent, s’épanouissent dans la diversité et la richesse de leurs cultures.

    — Mais c’est une révolution ! Apprendre à réfléchir aux gosses… Puis quoi encore ? Ont-ils besoin de réfléchir pour devenir de bons consommateurs adultes ? Bien dociles et réceptifs à nos messages publicitaires ? Mais vous voulez tout foutre en l’air, ma parole ! Mes profit… Mes stock-options… Fired ! FIRED !

    Avec tout l’argent que nous dépensons dans les télévisions, dans les ordinateurs, dans les play-stations, dans les e.phones et toutes leurs applications pour empêcher les gens de réfléchir. Pourquoi pas la liberté, l’égalité, la fraternité puisque vous y êtes ? Révolutionnaires ! Sans-culottes ! Bolchéviques ! Gilets jaunes ! Vous allez nous ruiner avec vos dangereuses utopies ! Mais pour qui vous prenez-vous ?

    — Pour des gens qui ont une grande responsabilité. Bien sûr, nous sommes vos créatures, mais nous tenons maintenant notre légitimité de notre succès. Des millions d’enfants du monde croient en nous et nous attendent avec espoir, la tête pleine d’étoiles. Nous ne pouvons pas les décevoir. Nous ferons donc notre tournée cette année encore…

    — Ah ! Enfin une bonne parole ! Alors finis de jaser pour ne rien dire. Remplissez vos hottes, vos traîneaux, atteler vos rennes, débarrassez-vous de votre stupide gilet jaune et, Oust ! Partez !

    — Je crois que nous nous sommes mal compris. Nous allons faire notre tournée, mais pas pour livrer vos niaiseries. Nous allons porter aux enfants du monde des messages d’intelligence, des ferments de liberté, des gages d’égalité, des élans de fraternité.

    — Ah ! Ah ! Laissez-moi ricaner… Et comment donc ?

    — N’oubliez pas que nous sommes en Scandinavie, patrie des célèbres Prix Nobel. Eh bien nous, nous allons créer les “ Prix Noël ” ! Nous allons livrer dans les cheminées des enfants du monde des Livres ! Des Livres ! Car c’est dans les Livres que se trouve le Savoir, l’Intelligence, la Tolérance, la Concorde, l’Entraide, l’Amitié et l’Amour entre les enfants, entre les Hommes.

    Tandis que l’homme d’affaire se ronge les poings en morigénant, les pères Noël s’en vont, leurs hottes pleines de livres, au trot tintinnabulant de leurs rennes ailés.

    Rêve ? Heureusement qu’il reste le rêve : la dernière liberté…

     

    Victor Ayoli


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