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poésie - Page 7

  • Ouiquinde gastronomique: Les cèpes farcis de La Lionne

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    Quand août éteint ses feux vient le temps des vendanges

    De Cornas à Ampuis, de Tavel à Orange

    Les garçons et les filles, en colles qui trépignent

    Cueillent avec ardeur les raisins dans les vignes.

    Ils coupent en riant les grappes de soleil

    Et les foulent en jus d'opale ou de vermeil

    Que tous les vignerons, dans l'ombre des caveaux

    Transmuteront en vins gouleyants et nouveaux.

    Et c'est aussi le temps où sur les hautes terres

    Du Ventoux, de Provence, d'Ardèche ou de Lozère

    Dans les sombres forêts que cerfs et daims recèpent

    Surgit, mystérieux, Sa Majesté le Cèpe.

    Mais pour le découvrir, sous sapins et fougères

    Il faut expérience, œil vif et main légère.

    Tôt levé le matin, dans la sylve mouillée

    Le bâton d'une main, dans l'autre le panier,

    Il faut marcher, ramper, jouer au sanglier,

    Pour atteindre ce lieu secret et singulier:

    Sa "bouletière" cachée même à ses familiers!

    Le cèpe, s'il est là, tu le sais par le nez,

    Son parfum délicat te le fait deviner.

    Avance à quatre pattes dans les épais fourrés

    Respire à petits coups, tout comme un chien d'arrêt,

    Cherche sous les plus basses branches des sapins

    Et si tu trouves un cèpe, cherche aussi ses copains:

    Il est rarement seul le Prince des forêts.

    Il te faut le couper et non le déterrer,

    En respectant ainsi le cèpe et son domaine

    Tu t'y retrouveras à la saison prochaine.

    Range bien sur des feuilles, dans un large panier,

    Ce dont tu as besoin, pour ne pas gaspiller.

    Boletus Edulis procure trois plaisirs:

    Le plus primordial, c'est bien de le cueillir,

    Puis le plus cérébral, c'est de le cuisiner,

    Enfin le plus charnel, c'est de le déguster.

    Je vais te raconter comment fait La Lionne

    (C'est l'élue de mon cœur, grande, fière et mignonne)

    Pour préparer, farcis, les cèpes les plus gros,

    Superbes dômes bruns dépassant le kilo.

    Elle nettoie le cèpe sans pourtant le laver,

    À la brosse, au couteau, sans jamais s'énerver.

    Elle enlève la queue qu'elle hache menu,

    Deux aulx, deux échalotes, du persil, revenus,

    Elle poêle cent grammes de chair à saucisse,

    Incorpore échalotes puis queues de cèpes; épice

    Avec du sel, du poivre noir, un peu de thym,

    En tournant elle y introduit la mie de pain.

    Hors du feu elle lie par un œuf et du beurre.

    Sa farce est terminée. Tu sens ce qu'elle fleure !

    C'est alors qu'elle fait rissoler le chapeau

    Environ cinq minutes de chaque côté

    Un peu plus côté mousse qu'elle n'a pas ôtée,

    Le fait de le saler lui fait rendre son eau.

    Elle beurre le fond d'un plat à gratin rond

    D'un diamètre à peine égal au champignon.

    Elle garnit le fond de pâte feuilletée

    Et y pose dessus son cèpe renversé

    Elle étale sa farce harmonieusement

    Façonnant de la sorte un dôme culminant.

    Le tout est recouvert de pâte feuilletée,

    Au sommet elle ménage une cheminée.

    Léger nappage à l’œuf pour fournir le brillant

    Qui donnera au plat un côté attrayant.

    Cuisson à four moyen pendant une bonne heure.

    On sert le plat sur table! C'est alors le bonheur!

    Cessons pour aujourd'hui ce conte culinaire,

    Ma tripe est assoiffée, remplis raz bord mon verre

    D'un de ces vins subtils, poussés en Languedoc

    Qui te rendent gaillard, solide comme un roc.

     

    Ingrédients et proportions pour six personnes:

    - Un gros cèpe de 25 à 30 cm de diamètre (ils ne sont pas rares), - 2 gousses d'ail, - 3 échalotes hachées, - 2 branches de persil hachées, - 1 à 2 hectos de chair à saucisse, - 1 demi-bol de mie de pain trempée au lait, - sel, poivre noir, thym, - 1 œuf, - 3 noix de beurre, - 2 feuilles de pâte feuilletée, - 1 jaune d'œuf (pour nappage).

    Les vins conseillés:

    Accordez ce plat avec des vins rouges à base de syrah, qui donnent des parfums de sous-bois, d'animal. En côtes-du-rhône : Saint-Joseph, Cornas, Crozes-Hermi­lage, Saint-Désirât, Saint-Pierre-de-Bœuf, Mauves. Certains Lirac.

    En vins du Languedoc: Saint-Chinian. Fitou.

    En vins de Provence, Bandol. Coteaux des Baux.

    En fait tout bon vin rouge de France ou d'Italie.

     

    Photo Moi

  • Ouiquinde gastronomique sépulcral

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    Elise

     

    On disait pis que pendre de la hautaine Élise

    On la disait frigide, froide comme banquise.

    Sa longue silhouette drapée de voiles noirs

    Paralysait les hommes, leur ôtant tout espoir.

     

    Des mâles dépités la présumaient lesbienne.

    Tout cela m’excitait et je la voulais mienne !

    J’imaginais son corps sans sa robe de geai,

    Ses longues cuisses blanches et ses seins érigés,

     

    L’arc tendu de sa croupe, le soleil de son ventre…

    Je voulais, pour l’aimer, l’amener dans mon antre.

    Par nuit de pleine lune, je l’ai suivie de loin

     

    Jusques au cimetière. Tapi dans un recoin

    Je l’ai vu dénudée auprès d’un vieux grimoire :

    Elle servait d’autel pour une messe noire…

     

     

    Pour Elise : Les seiches au riz noir

     

    - Ben, mon cochon, Victor ! T’as de drôles de goûts !

    Ton Élise, dis donc, c’est un étrange coup !

    Une mousmée maniaque, à poil, sur une tombe…

    Faut être un peu fêlée… Tè, vé, les bras m’en tombent.

    - Si c’est ce qu’il lui faut, cette étrange atmosphère ?

    Tu sais, le paradis est proche de l’enfer…

    - Alors, pour la séduire, ta Vénus des caveaux,

    Faut lui faire des plats qui soient à son niveau.

    Rouges sang, blancs ou gris, mais où le noir domine

    Doivent être les mets pour ta belle androgyne.

    En entrée, tu lui sers un grand plateau d’oursins,

    Noirs et piquants dehors, mais aux parfums douçains,

    Dont la chair rouge sang, d’une saveur subtile,

    Désarmera la belle de ses pulsions hostiles.

    Puis une truffe noire, dont l’arôme puissant

    Dans quelques œufs brouillés sera appétissant.

    Il me vient à l’idée une recette ancienne :

    Les seiches au riz noir, comme à la vénitienne.

    Prends un kilo de seiches chez un bon poissonnier,

    Il t’enlèvera l’os sans se faire prier.

    Pour ne pas cuisiner comme le dernier cancre

    Bien précieusement garde les poches d’encre.

    Tes seiches, en lamelles, tu vas les lacérer,

    Sauf une que tu gardes pour, en fin, décorer.

    Un court-bouillon tu dois préparer à l’avance :

    Poissons et crustacés épicés d’abondance.

    Fais revenir à l’huile deux beaux oignons hachés,

    Mélangés à tes seiches. Ne fais pas accrocher.

    Mouille avec quatre louches de ton court-bouillon,

    Fais cuire dix minutes à tout petit bouillon.

    Jette en pluie trois hectos de riz rond de Camargue

    Poussé dans les embruns que Mare Nostrum largue,

    Ajoute, à ton encre, deux verres de vin blanc,

    Puis mélange le tout en tournant lentement.

    Arrête de tourner lorsque c’est homogène,

    Enfin baisse ta flamme car un feu trop fort gène.

    Au cours de la cuisson, mouille de bouillon chaud,

    Sale et poivre à ton goût, mais ne sois pas manchot.

    Pour savoir si c’est cuit, de temps en temps tu goûtes :

    Ton riz doit être souple, sans coller, tu t’en doutes.

    Tes seiches et ton riz noir, dans un large plat blanc

    Vont faire leur office de canapé brûlant

    Sur lequel tu déposes la seiche ronde et blanche

    Reposant sur un lit de persil plat en branches.

    Ce plat délicieux à l’aspect sépulcral

    Poussera ton Élise au péché capital.

    À nous, belles conquêtes ! Le vin vous embellit.

    Continuons la fête, ouvrez-nous votre lit.

    Chantons, rions, mangeons, et trinquons nuit et jour

    À la beauté des femmes, au vin et à l’amour !

     

     

    Ingrédients et proportions pour six personnes:

    - 3 kilos de seiches désossées, - leurs poches d'encre;

    Pour le court bouillon: - 1 kilo de poissons à soupe rouge, - 1 livre de favouilles ;

    - 6 oignons hachés, - 1 demi kilo de riz rond de Camargue, - 6 verres de vin blanc de Laudun.

     

     

    Photo X - Droits réservés

  • Gastronomie dominicale rafraîchissante : la Bouillabaisse.

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    La bouillabaisse de Juvénal

     

    « Pour faire une bonne bouillabaisse

    Il faut se lever de bon matin

    Préparer le pastis et sans cesse

    Raconter des blagues avec les mains…

     

    Ainsi dit le refrain devenu immortel

    Depuis qu'il fut chanté par le grand Fernandel.

    Avec beaucoup d'humour, talent et allégresse

    Il dit tout ce qu'il faut pour une bouillabaisse.

    Ce fleuron flamboyant des tables de Marseille

    Populaire partout au pays de Mireille.

    Je vais vous raconter celle de Juvénal

    Qui, bien que président auprès du Tribunal,

    Était un personnage hautement sympathique

    Dont les seules rigueurs étaient gastronomiques.

    Devant le Roucas-blanc, des amis dévoués

    Installaient son quintal dedans le tranvoué.

    À l’époque, il roulait encore sur des rails,

    Ses passagers riaient, galéjaient, sentaient l'ail.

    Les trous de la chaussée remuaient les wagons,

    Particulièrement le dernier des fourgons,

    À tel point qu'à Marseille, en parlant d'une fille

    Ayant l'arrière-train sur roulement à billes

    On disait: « Celle-là elle bouge les miches

    Presqu'autant que le tranvoué de la Corniche! »

     

    Arrivé au Vieux Port, Juvénal descendait

    Et, suivant sa bedaine, en quelques embardées,

    Saluant les chalands sans faire de façons,

    Il gagnait le superbe marché aux poissons

    Où pointus marseillais (1) et bettes martéguales (2)

    Débarquaient la marée du profond de leurs cales.

    Juvénal inspectait l'étal des poissonnières,

    De solides matrones, fortes en gueule et fières,

    Justement redoutées par clients et pêcheurs

    Parce qu'intransigeantes sur l'état de fraîcheur

    Des poissons colorés qu'elles mettaient en vente.

    Leurs bordées de paroles pouvaient être violentes!

    Juvénal s'arrêtait devant Berthe Chouli

    Une maîtresse femme nourrie aux raviolis,

    À la pastasciuta (3) et aux chichi-frégi (4),

    Aussi large que haute: cent kilos d'énergie.

    Ils se congratulaient de façon très mondaine

    En se claquant le dos, ventre contre bedaine.

    Juvénal commandait à sa chère acolyte :

    - « Berthy, servez-moi bien: ce soir j’ai mes petites !

    - Je vous mets un beau loup, des vives et du fiala (5),

    Une queue de baudroie, un saint-pierre un peu là !

    Des roucaou (6), des rascasses, un kilo de favouilles (7)

    Qui donnent si bon goût quand on les écrabouille,

    Deux langoustes en vie. Vé ! Si elles sont belles !

    Et puis, zou ! en cadeau, deux poignées de girelles.

    - Aco vaï ben (8), Berthy. Je vous aime beaucoup !

    Vous me préparez ça, le temps de boire un coup ... »

    Juvénal s'en allait vers les terrasses peintes

    Déguster un violet en buvant son absinthe.

    Enfin, l'air réjoui, content de ses emplettes,

    Il reprenait le tram vers son repas de fête.

    Maître de la cuisine pour cette bouillabaisse,

    Il chassait ses "petites" en leur claquant les fesses

    Affectueusement. Chantonnant l'Opéra,

    Sans quitter son chapeau, la canne sur le bras,

    Il vidait, écaillait et lavait les poissons.

    Selon leur gabarit les coupait en tronçons.

    Puis lorsque tous étaient nettoyés et parés

    Enfin il les rangeait en deux plats séparés.

    Dans l'un les poissons tendres à la chair délicate:

    Loups, Saint-Pierre, roucaou, poissons aristocrates.

    Dans l'autre les plus fermes: fiala, vives, baudroie,

    Langoustes et favouilles, poissons que l'on rudoie.

    Au fond d'une marmite, Juvénal disposait

    Trois oignons émincés, beaucoup d'ail écrasé,

    Trois tomates pelées, écrasées au mortier,

    Férigoule et fenouil, zest d'orange et laurier,

    Dessus il déposait son choix de poissons fermes,

    Un verre de bonne huile d'olive de la ferme,

    Du poivre du moulin et du safran en brins,

    Quelques grosses pincées de bon gros sel marin.

    Il mouillait tout cela avec de l'eau bouillante,

    Juste un doigt au dessus, c'est la valeur courante.

    Il enlevait alors les ronds de la "Rosières" (9),

    Pour que la flamme entoure son oulo (10) presqu'entière.

    Il montait ça au bouilh (11), cinq minutes, à feu vif,

    Alors il ajoutait les poissons de récifs.

    Encore cinq minutes de grosse ébullition

    Pour bien amalgamer l'huile avec le bouillon.

    - « Ma bouillabaisse est prête. Humez-moi ce parfum !

    C'est toute la Provence, la mer et ses embruns! »

    Il versait le bouillon, fumant dans la soupière,

    Sur du pain frotté d'ail et en tranches entières.

    Il servait les poissons à part, sur un grand plat.

    Et tous appréciaient ce repas de gala.

    Un grand Châteauneuf blanc servi dans du cristal

    Sublimait les saveurs du plat de Juvénal.

    Cessons pour aujourd'hui ce conte culinaire

    Ma tripe est assoiffée, remplis raz-bord mon verre

    De ce nectar divin de la Coste-du-Rhône

    Et laisse près de moi la coupe et la bonbonne.

    Et pour laisser le monde des maigres, des sans-goûts,

    Alors resservez-vous !

     

     

    Ingrédients et proportions pour six personnes:

    - trois petits loups (un kilo en tout), - un demi-kilo de fiala (congre) pris dans le ventre. - un kilo de poissons de roches (vives, girelles, roucaou ),

    saint-pierre (5 à 700 g), - une queue de baudroie (800 g), - un kilo de favouilles (petits crabes), - une langouste (pas obligatoire), - trois ou quatre tomates, - trois oignons, - quatre gousses d'ail, - trois cuillères à soupe de gros sel marin, - poivre noir du moulin, - safran en brins, - un gros bouquet garni (thym, laurier, persil plat), - trois branches de fenouil. - un zeste d'orange. - un grand verre d’huile d'olive.

     

    Les vins conseillés:

    Les vins blancs frais, joyeux et embaumés de Cassis sont le complément naturel de la bouillabaisse. On peut les remplacer avec bonheur par des blancs de Bandol, de La Ciotat, de Draguignan, de Vidauban, de Pierrefeu. Tous les grands vins blancs secs de la vallée du Rhône: Saint-Peray, Châteauneuf-du-Pape, Saint-Gervais, Uchaux, Laudun, Villedieu, Saint­Victor-Lacoste, Pujaut.

    Les blancs puissants et parfumés des Coteaux du Languedoc de Quatourze, La Clape, La Méjanelle, Picpoul de Pinet

     

    (1) Pointus marseillais: bateau de pêche à étrave pointue e tfond en forme. Commun à tous les pêcheurs de la Méditerranée. Une forme qui n'a pas changé depuis les phéniciens et les grecs.

    (2) Bette martégua!e : bateau de pêche pointu mais à fond plat, originaire de Martigues.

    (3) Pastacciuta : plat de pâtes à l’italienne.

    (4) Chichi-frégi : beignet marseillais enforme de boudin à hase de farine de pois-chiche cl l'origine, de froment à présent.

    (5) Fiala : congre.

    (6) Roucaoû : poisson de roche .

    (7) Favouilles : petits crabes de la Méditerranée.

    (8) Aco vaï bèn : ça va bien.

    (9) Rosières : marque de cuisinière en fonte.

    (10) Oulo : récipient de cuisson métallique profond, qu’on suspend au dessus de la cheminée ou que l’on pose sur la cuisinière.

    (11) Bouilh : ébullition.

     

    Illustration originale Vincent Barbantan

     

    in "GROSSIR (ou pas!) sans peine et sans régime"