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  • « Le grand détournement ». L’histoire d’un hold up...

     

    Ça y est, on a reçus notre carnet de notes. Et il n’est pas très bon : A+. Ma foi, à l’école, un A+, ça fait plaisir mais là, paraît que c’est mauvais. Il nous l’a assez seriné tonton Bayrou : « La France est au bord du gouffre. Nous allons être mis sous tutelle du FMII. Il faut se serrer la ceinture ».

    Et c’est la chasse aux gaspi, on fustige l’assistanat de ces parasites de bénéficiaires du RSA et des chômeurs, on est intraitables avec l’artisan qui déclare « mal » ses employés, on envoie les plus redoutables de ses inspecteurs passer au crible la compte des PME.

    Honte à ces profiteurs, qu’ils disent nos « zélites dirigeants ». Ben voyons.

    Et tonton Bayron qui serre le kiki des « derniers de cordée » pour trouver ses quarante quatre milliards d’éconocroques ! Ça ne lui a pas réussi puisqu’il s’est fait virer et que la grogne prend de l’ampleur. Bel héritage pour la banard qui arrive.

    Quarante quatre milliards qui restent à trouver. Les prendre à qui ? Aux riches ? Tss Tss pas de gros mots ! On va les fâcher les riches. Et ils agitent déjà le chiffon rouge :  Si on continue à vouloir trop les imposer en France, alors la menace pointe : les grandes entreprises qui nous restent délocaliseront… encore davantage.

    Je suis en tain de lire un livre sorti ces jours-ci - « Le grand détournement - Comment milliardaires et multinationales captent l'argent de l'État » de Matthieu Aron (Auteur), Caroline Michel-Aguirre (Auteur). Je ne saurais trop vous le conseiller.

    On en apprend des belles ! Pendant que nos « zélites » pressurent les « sans-dents » pour trouver ces 44 petits milliards, on apprend que le montant total des aides publiques aux entreprises privées n’existe dans aucun document officiel mais que, selon l’enquête des deux journalistes, l’addition atteint jusqu’à 270 milliards par an ! Plus que les dépenses consacrées à la santé (249 milliards), presqu’autant qu’aux retraites (287 milliards) et infiniment plus qu’a l’Éducation nationale (76 milliards) et à la Défense (100 milliards).

    La France est le pays d’Europe qui soutient le plus massivement ses entreprises. Qui le sait ? Les auteurs nous apprennent comment et combien.

    Premier poste : les exonérations et les exemptions de charges patronales, le mieux documenté. En 2024, leur coût s’élève à 91,3 milliards d’euros.

    Deuxième poste : les niches fiscales. On y trouve pêle-mêle le crédit impôt recherche, les régimes d’imposition spécifiques des holdings, ou encore les taux réduits de TVA pour la restauration. Une étude publiée en juillet 2025 par le Haut-commissariat à la stratégie et au plan les évalue pour sa part à 109 milliards d’euros.

    Troisième et dernier poste : les subventions directes. Une commission d’enquête du Sénat en juillet 2025 avançait un chiffre de 48 milliards.

    Les auteurs retiennent une estimation de 270 milliards. Un pognon de dingue, comme dit l’autre ! Et une évidence : l’État français maintient sous perfusion constante les entreprises privées. Chaque euro attribué à ces aides est un euro de moins pour l’hôpital, l’école, les retraites, les services publics. Ou plus exactement : c’est un euro emprunté, qui accroît la dette publique.

    Et où il va ce pognon ? Parmi les quelque 5 millions d’entreprises que compte la France, quelles sont celles qui profitent le plus de ce système ? Certes, les plus petites – moins de cinquante salariés – captent environ la moitié des baisses de cotisations patronales, mais les grands groupes raflent la mise sur le terrain des déductions fiscales, en particulier via le crédit d’impôt recherche.

    Savez-vous quelle est l’entreprise la plus aidée de France ? Les auteurs nous l’apprennent :

    «La CMA-CGM : la société la plus aidée de France Rodolphe Saadé, sa sœur Tanya et son frère Jacques, propriétaires de la CMA-CGM, la compagnie marseillaise aux 600 porte-conteneurs, ont véritablement remporté le jackpot grâce au coronavirus. Chaînes logistiques mondiales bouleversées, flambée des coûts d’expédition entre l’Asie et l’Europe, et à l’arrivée bingo pour tous les transporteurs maritimes. En seulement deux ans, la richesse des Saadé a été multipliée par cinq : plus de 28 milliards d’euros de bénéfices accumulés entre 2021 et 2022. Vingt-huit milliards.

    Plus incroyable encore, cette entreprise, bien qu’en éclatante santé, est actuellement la plus aidée de France ! Elle bénéficie d’un régime d’imposition hors norme. À la différence de toutes les autres sociétés françaises, elle n’est pas assujettie à l’impôt sur les bénéfices. Ce qui lui permet de payer moins de 2 % de taxes, au lieu de 25 %. Soit, en 2021-2022, une économie de 10 milliards d’euros. Et un manque à gagner tout aussi colossal pour les finances publiques. Cette somme représente ce que nous allons devoir payer collectivement pour augmenter nos dépenses militaires d’ici à 2027.

    Il faut dire que, pour conserver son passe-droit, la CMA-CGM se livre à un lobbying intensif. En octobre 2024, Rodolphe Saadé en personne a même reçu en tête à tête l’une des figures les plus influentes du Palais-Bourbon, Charles de Courson, vétéran centriste et rapporteur du budget. Juste avant l’ouverture des discussions à l’assemblée, le P-DG a fait passer un seul message au député : si la niche disparaît, la CMA-CGM devra se délocaliser, avec à la clé pertes d’emplois et fragilisation des ports français. Un avertissement transmis tel quel dans l’hémicycle. « Un tel lobbying, nous n’avions jamais vu ça », ont confié plusieurs parlementaires.

    Le 6 mars 2025, leur aîné, Rodolphe, se précipite pourtant dans le bureau de Donald Trump. La scène, diffusée alors en boucle sur les chaînes du monde entier, a de quoi laisser pantois : huit jours seulement après que le président états-unien a déclenché une guerre commerciale contre l’Europe, l’armateur marseillais pose fièrement devant une carte du golfe du Mexique renommée – sur ordre du Président – « golfe d’Amérique ». Dans la foulée, il annonce à l’hôte de la Maison Blanche, et toujours devant les caméras, un investissement de 20 milliards de dollars ainsi que la création de 10 000 emplois aux États-Unis. Puis il promet de tripler le nombre de navires battant pavillon américain, de 10 à 30. »

     

    On en apprend d'autres:
    « Qui profite en premier lieu de ces milliards ? Les gros actionnaires. Une poignée d’héritiers, de grands patrons et de rentiers qui, dans le même temps, parviennent à se soustraire toujours davantage à l’impôt. Dans cette logique devenue folle, les « dindons » de cette farce fiscale sont toujours les mêmes : les classes moyennes et supérieures. Alors qu’elles contribuent largement à l’effort national, en étant taxées bien souvent à près de 50 %, les très grandes fortunes, elles, sont en moyenne imposées moitié moins. Le paradoxe est saisissant : dans un pays longtemps présenté comme un exemple d’égalité, la fiscalité s’est peu à peu inversée. Ce ne sont plus les plus riches qui paient proportionnellement le plus, mais les catégories sociales qui se situent en dessous. C’est cette mécanique que nous avons voulu disséquer. En effectuant une plongée au cœur de cette « élite » biberonnée aux subventions publiques. Les véritables « assistés » ne sont pas nécessairement ceux auxquels on pense. »

    En apprenant tout ça, on a la rabia et les aliboffis qui gonflent ! Et on comprend mieux dès lors cette sourde colère qui monte et s’exprime en promettant de « Bloquer tout ».

    Sources : « Le grand détournement - Comment milliardaires et multinationales captent l'argent de l'État » de Matthieu Aron (Auteur), Caroline Michel-Aguirre Allary Editions