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poésie - Page 3

  • Gamellophilie: l'alose d'Avignon « comme ma mère ».

    L’alose est un poisson de mer migrateur anadrome qui vient frayer, et devenir mère, dans les eaux du Rhône où les gourmands gourmets lui font sa Fête !

    alose pour web.jpg

    - Regarde bien, petit, cette superbe alose

    Les anciens l'appelaient “la princesso dou Rose”

    Éclair de vif argent, longue, fine et puissante

    Bien que lourde des flancs, elle reste élégante.

    Sais-tu que c'est l'amour dont elle est satisfaite

    Qui va te l'amener, demain, dans ton assiette ?

    Respecte-la, petit, et débouche le vin

    Car manger de l'amour est un plaisir divin.

    C'est un poisson magique, délicieux à manger

    En bonne compagnie. Et subtil à pêcher !

    Lorsque le Rhône était le Fleuve-Dieu sauvage,

    Point encore castré par digues et barrages,

    Indomptable et fougueux quand le mistral le fouette,

    Crainte des riverains et bonheur des poètes,

    Braconniers et pêcheurs, au mois des primes roses

    Armaient les vire-vire pour pêcher les aloses.

    C'étaient des bateaux larges aux ailes de moulin

    Arrimés à la rive par quatre gros filins.

    Deux paniers grillagés, avec le courant, tournent.

    Lorsque l'un est en haut, son opposé s'enfourne

    Dans l'onde trouble et vive où peinent les aloses

    Cherchant un abri sûr pour que leurs œufs éclosent.

    Beaucoup n'arriveront jamais à leur frayère,

    Cueillies par les paniers montant vers la lumière.

    Enlevée dans les airs, l'alose se tortille

    Dans une pluie dorée de gouttes qui scintillent.

    Elle tombe, ahurie, dans le fond de la barque

    Où le fil de sa vie est coupé par les Parques.

    Le pêcheur, averti, en interrompt sa sieste,

    Achève le poisson d'un coup de barre preste,

    Bois un coup de rosé si sa gorge s'assèche,

    Puis se rendort, heureux: pour lui le Rhône pêche !

    Cette façon subtile, je crois unique en France

    N'a pu être inventée que chez nous, en Provence !

    Il paraît que certains, les nuits de pleine lune,

    Jouant flûte et violon au bord de la lagune

    Ont eu, comme Aristote, la fantastique chance

    De voir, debout sur l'eau, les aloses qui dansent...

    Les belles ménagères avaient leur opinion:

    "Les meilleures sont les aloses d'Avignon."

    En dessous d'Aramon, elles sentaient la vase,

    Et après Caderousse, ce n'était que carcasses,

    Mais dans le Rhône vif courant sur les galets

    Roulés de Villeneuve, ou au pied du Palais

    Des Papes d'Avignon, elles étaient à point:

    Dévasées, mais encor avec de l'embonpoint.

    - Et comment tu la cuis, ton alose, Victor ?

    - Oh ! Vaï t'en plan, pitchoun, y a pas lou fio a bord !

    Sers-moi d'abord un coup de rosé du Ventoux

    Ou de Côtes-du-rhône, et je te dirais tout.

    L'alose, tu la laves, tu l'écailles, la vides.

    Tu réserves les œufs dans un torchon humide,

    Prends-en un soin jaloux, c'est les meilleurs morceaux

    Pour les gourmets, c'est le caviar des Provençaux.

    Puis tu tranches la tête et la fends en longueur,

    Coupe l'alose en darnes de deux doigts d'épaisseur.

    Tu auras pris chez un compère jardinier

    Une brassée d'oseille, des épinards triés.

    Tu vas hacher ces herbes assez grossièrement:

    Elles vont te servir en accompagnement.

    Tu prends une cocotte, mais une vraie, en fonte!

    Des cocotte-minute n'accepte pas la honte.

    Tu graisses bien le fond, mais à l'huile d'olive,

    C’est le nec plus ultra, faut pas que tu t'en prives.

    Au tonneau de vin blanc, tu remplis un cruchon,

    Puis tu places la tête, ouverte, sur le fond.

    Tu recouvres d'un lit d'oseille et d'épinards

    Sel, poivre noir, muscade, va-z-y, sois pas flemmard.

    Tu dois y mettre aussi des oignons émincés,

    Certains cuistots rajoutent... oui, du petit-salé.

    De ton huile d'olive, une bonne giclée

    Car pour ta réussite c'est là l'une des clés.

    Mets tes darnes à plat, sur l'herbe, bien serrées,

    Qu'elles ne bougent pas quand ça va macérer.

    Un autre lit d'oseille, encore un de poisson

    Chaque fois sel et poivre et de l’huile, un soupçon.

    Lorsque tout est placé, bien délicatement,

    Tu poses sur le tout les œufs avec leur poche.

    N'aie pas peur de forcer sur l'assaisonnement

    Car ce n'est qu'un poisson, et pas de la bidoche.

    On atteint maintenant un moment crucial,

    Pour réussir ton plat, voilà le principal:

    Tu arroses le tout de trois verres de gnole.

    Des verres de soiffards, pas des verres symboles.

    Enfin tu mouilles avec du blanc sec de Laudun,

    Mais pas trop tout de même: ce qui est opportun.

    Tu fermes ta cocotte bien hermétiquement

    Avec la mie de pain mouillée légèrement.

    Arrive maintenant le temps de la cuisson,

    Sa longueur fondra les arêtes du poisson.

    C'est sous la cendre chaude, dans un cantoun de l'âtre

    Que doit cuire l'alose, dans les braises rougeâtres.

    Cuis-la huit heures au moins d'une chaleur tranquille.

    Le tout sera confit. Une alchimie subtile

    Des herbes et de l'alcool dissoudra les arêtes.

    Petit, sers-moi à boire, ou sinon je m'arrête !

    C'est un plat rituel pour tous les gens du Rhône.

    Enfin, écoute-moi: l'alose est très friponne,

    Après tout le plaisir qu'elle te donne à table

    Elle fera de toi un gaillard redoutable !

    Tu seras comme un cerf quand résonne son brame:

    Ce plat est souverain... pour le bonheur des dames.

    Cessons pour aujourd'hui ce conte culinaire

    Ma tripe est assoiffée, remplis raz bord mon verre

    De ce nectar divin de la Coste-du-Rhône

    Et laisse près de moi la coupe et la bonbonne.

     

    Ingrédients et proportions pour six personnes:

    Deux belles aloses d'un kilo et demi chacune, - un kilo d'oseille, - un kilo d'épinards en branches ou - mieux - de vert de blettes, à défaut, de la laitue, - trois oignons émincés, - 2 hectos de petit-salé haché, - deux verres d'huile d'olive, - trois cuillerées à soupe de sel fin, - poivre noir du moulin, - muscade (à votre appréciation, mais généreusement), - une bouteille et demi de vin blanc sec, - trois verres d’"aigarden" (eau-de-vie).

     

    Les vins conseillés:

    Ce plat de poisson à la saveur puissante, animale, s'accommode parfaitement de vins blancs ayant du caractère: Côtes-du-rhône de Laudun, Villedieu, Lirac, St-Hilaire-d'Ozilhan, Chateauneuf-du-Pape.

    Coteaux du Languedoc de La Clape, Picpoul de Pinet, Clairette de Bellegarde.

    Côtes de Provence de Palette, Coteaux varois de Salernes, Saint-Maximin, Bellet.

    Il accepte aussi parfaitement des vins rouges frais: Côtes-du-rhône d'Estézargues, Coteaux-d'Avignon, Chusclan, Rochegude, Saint-Mau­rice-sur-Aygues, Sablet. Costières de Nîmes. Coteaux du Languedoc de St-Drézery, Saint-Christol ou encore le "vin d'une nuit" de Saint-Saturnin. Coteaux varois de Tourves, Barjols, Nans-les-Pins.

     

    Illustration originale Vincent Barbantan

     

    in: GROSSIR (ou pas!) sans peine et sans régime

  • Gastronomie confinée : La blanquette de veau

    tete de veau nez langue.jpg

     

     

    Lorsqu’arrive l’été, redoutable en Provence,

    Je fais ma transhumance :

    Je monte à la fraîcheur des terres de Lozère

    Où j’ai un pied-à-terre.

    Cette année, j'irai pas, je suis discipliné

    Puisqu'on est confinés...

    Mes voisins, y élèvent des vaches et des veaux

    Race Aubrac : les plus beaux.

    Leur robe beige tendre, leurs grands yeux de biches

    Et leurs superbes miches

    Sont un régal pour l’œil, de vie et d’élégance

    Mais aussi pour la panse !

    Ils sont tous baptisés par des noms pittoresques

    Presque gargantuesques.

    L’un s’appelle Tendron, l’autre c’est Côtelette

    Le plus beau c’est Blanquette !

    - Stoppe ton baratin, Victor, parlons pitance

    Au diable l’abstinence.

    - D’accord. Alors parlons de mon pote Blanquette.

    Mais sers-moi un canon, et pas de la piquette.

    Il te faut de l’épaule de veau désossée ;

    Coupe en morceaux moyens, épais et cabossés,

    Mets-les dans un faitout et recouvre d’eau froide,

    Tu blanchis cinq minutes. Plus, c’est des couillonnades.

    Jette l’eau, rafraîchis, remet dans ton faitout,

    Mouille avec de l’eau froide ou, bien meilleur atout :

    Avec un fond de veau fait main ou du commerce.

    Ma tripe est assoiffée : mets un tonneau en perce !

    Ah ! Tè, ça fait du bien. Bon, où en étions-nous ?

    - Tu avais mis la viande et l’eau dans le faitout.

    - Monte ton feu à fond. Quand ça bout, tu écumes

    Puis tu va ajouter aromates et légumes.

    Deux gros oignons piqués, quatre belles carottes

    Deux poireaux émincés, céleri, échalotes,

    Gousses d’ail écrasées, et un bouquet garni.

    N’oublie pas de saler. Cuis une heure et demie.

    Tu écumes souvent avec une écumoire

    Et n’oublie pas, surtout, de me servir à boire !

    Ça te donne le temps de préparer ta sauce

    Sur ton plan de travail, prépare ton matos.

    Il te faut éplucher un quart d’oignons grelots

    Même si cela doit t’arracher des sanglots,

    Et les glacer « à blanc », avec eau, sucre et beurre,

    Tu les cuis à couvert, petit feu, un quart d’heure.

    Fais sauter dans du beurre, un peu d’eau, du citron

    Un quart de champignon de Paris environ.

    Réserve de côté et prépare un roux blanc :

    Beurre, farine et crème fouettés gaillardement.

    Le temps étant venu, tu chinoises ta viande

    Récupérant ainsi une liqueur friande.

    Porte à ébullition et verse sur ton roux

    Pour que ça épaississe, tu cuis sur un feu doux

    En fouettant vivement pour une sauce lisse.

    Puis dans un cul-de-poule, une jatte d’office,

    Fouette trois jaunes d’œuf et de la crème fraîche,

    Verse cet appareil dans ta sauce et dépêche

    Toi d’ajouter le jus d’un citron en fouettant.

    Dans ton plat de service, ajoute à ton veau

    Les champignons et les oignons cuits et bien chauds.

    Nappe avec la sauce que tu passes au chinois,

    Mélange et sers chaud ce plat de super choix.

    Buvez très largement de la tétée d’automne

    Ces vins de large soif de la Côtes-du-Rhône,

    Et pour laisser le monde des végans, des sans-goûts,

    Alors resservez-vous !

     

     

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  • Confinérotisme: "T'as un beau masque, tu sais..."

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    J’ai rencontré Sylvie dans la queue du Leclerc,

    Lunettes de soudeurs cachant ses beaux yeux clairs

    Et malgré la distanciation sociale,

    L’espace d’un caddie, j’appréciai son hâle.

    Je pensais : elle est belle, elle me met en fièvre

    Mais sous son masque, peut-être y a-t-il un bec-de-lièvre ?

    J’admirais sa façon de tousser dans son coude

    Avec autant de grâce que les stars d'Hollywood.

    Je rêvais ses parfums, son porte-jarretelles

    Je rêvais plus encor d’effeuiller ses dentelles.

    Je rêvais de ses doigts gainés de fin latex

    Déroulant un condom tout le long de mon sexe…

    Je rêvais de humer ses fragrances anales,

    Je rêvais de goûter sa flore vaginale.

    Je rêvais de l’avoir pour la nuit, pour la vie,

    Je me serais damné tant j’en avais envie

    Peu m’importait alors de courir à ma perte,

    Je la voulais à moi, amoureuse et offerte.

    « Viens chez moi j’ai du gel hydroalcoolique,

    J’ai de l’Efferalgan, des trucs pour la colique

    Et puis, rien que pour toi, j’ai de la chloroquine

    Mais pour ça il faudra te montrer bien coquine !

    Je t’offrirais une surblouse, une Jeannette

    Si tu voulais me faire une bonne branlette.

    Voudrais-tu, avec moi, échanger, ma chérie,

    En un baiser cent vingt millions de bactéries ? »

    Mais je ne puis que dire, tant j’étais médusé :

    « T’as un beau masque, tu sais ! »

     

    Victor Ayoli

     

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