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poésie - Page 5

  • Ouiquinde gastronomique: L’andouille au Côte-du-Rhône

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    Mettez donc à tremper un kilo de fayots

    De Paimpol ou Pamiers, si possible bio

    Et pour, de votre anus, éviter la cantate

    Ajoutez à cette eau quelque bicarbonate.

    Faites cuire à l’eau froide pendant deux heures au moins

    Une andouille de porc choisie avec grand soin

    Puis laissez refroidir dans son jus de cuisson

    Jusques au lendemain. Buvez un Jurançon !

    La nuit étant passé, égouttez les fayots

    Mettez-les en cocotte, couvrez avec de l’eau,

    Ajoutez quelques couennes, une queue de porc frais,

    Deux carottes rondelles, trois oignons en quartiers,

    Un peu de céleri et de l’ail écrasé

    Sel, poivre du moulin, thym, feuille de laurier.

    Mettre en ébullition, ajouter deux grands verres

    De Côtes-du-Rhône rouge, du vin fort en matières.

    Faites frémir une heure à feu non emballé,

    Puis ajoutez l’andouille confite en sa gelée.

    Remettez en cuisson pour que les haricots

    Soient fondants à souhait sans être musicaux.

    Servez le met bien chaud en deux plats séparés,

    Avec un peu de beurre, du persil ciselé.

    Cessons pour aujourd’hui ce conte culinaire,

    Ma tripe est assoiffée, remplis raz bord mon verre,

    De ce nectar divin de la Coste-du-Rhône

    Et laisse près de moi la coupe et la bonbonne.

     

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    Illustrations X - Droits réservés

     

     

  • Gastronomie dominicale: Le canard à l'orange de Daniel Goloubinsky

     

    canard à l'orange Goulou.jpg

     

    Un souvenir marquant de ma plus tendre enfance,

    Sur les rives du Rhône, au cœur de la Provence,

    Me revient en mangeant ce morceau de canard.

    Il est vrai que mouflet, petit, j'étais veinard,

    Un père pâtissier, des oncles paysans:

    Des volailles, des fruits, du pain et des croissants.

    En cette période les tickets et rations,

    Étaient le lot commun de ma génération,

    Et manger à sa faim était un grand bonheur,

    Surtout lorsque c'était proprement, dans l'honneur.

    Pour faire les vendanges, les foins ou les moissons,

    Toute notre tribu œuvrait à l'unisson.

    Pour clore les travaux, ces as de la fourchette

    Partageaient, à la ferme, un grand repas de fête.

    Des temps durs à passer pour les canards muets,

    Vedettes de l’agapes, entourés de navets !

    En soufflant autant qu’eux, l’oncle Gus les coursait,

    Et hurlait de victoire lorsqu’il les saisissait.

    Il sortait de sa poche deux morceaux de ficelle

    L'un pour bloquer les pattes et l'autre pour les ailes.

    Puis Mamé arrivait et tenait le bestiau

    Serré entre ses jambes. Le cou sur le billot

    Ondulait, se tordait comme font les couleuvres.

    L'oncle, tel un exécuteur des hautes œuvres,

    Brandissait sa cognée au-dessus de sa tête

    Pour l'abattre en sifflant sur le cou de la bête.

    Tandis qu'un flot de sang jaillissait par la plaie,

    Le canard, libéré, sautait, courait, volait.

    Alors, poules et coqs, en se crêpant la crête,

    Tout autour de la cour, se disputaient la tête.

    Nous, nous applaudissions et trouvions pittoresque

    Ce spectacle banal, bien que grand-guignolesque !

    Et voilà donc, petit, les souvenirs étranges

    Sortant de ce morceau de canard à l'orange.

    Daniel Goloubinsky, plumitif humaniste,

    Est allé ad patres, pourtant ce n'est pas triste:

    Au paradis il est copain avec Bacchus

    Et apprend la cuisine auprès de Lucullus!

    Il paraît qu'il prépare aux dieux, aux saints, aux anges

    Son morceau de bravoure: le canard à l'orange.

    — Bon, allez, Zou !, Victor, ce canard, on le fait ?

    — Dès que j'aurais goûté ce beau Tavel bien frais,

    La menteuse arrosée, la recette va suivre !

     

    Prenez un canard jeune de trois ou quatre livres,

    Vous salez et poivrez normalement la bête

    (Vous savez comment faire depuis belle lurette),

    Cuisez-le à la broche, récupérez le jus

    Car sans cet ingrédient, la recette est fichue.

    La cuisson ne doit pas être par trop poussée

    Car cuisses et filets doivent rester rosés.

    Vous dégraissez le jus, l'allongez de bouillon,

    En tournant vous portez à l'ébullition,

    Vous liez avec un peu de maïzena.

    Maintenant écoutez, les mecs et les nanas:

    Le secret de Daniel réside dans le zeste,

    C'est lui qui donnera les fragrances célestes

    Parfumant le canard d'un goût de poésie.

    Par lui le plat sera raté ou réussi.

    Prélevez tout le zeste d'une jolie orange,

    Pas le blanc spongieux, seule la croûte orange !

    Coupez soigneusement en bâtonnets très fins

    Que vous faîtes blanchir une minute afin

    De les bien attendrir. Jetez-les dans la sauce

    Avec le jus pressé d'une orange assez grosse.

    Découpez le canard fumant et croustillant,

    Servez à part le jus brûlant dans sa saucière.

    De mon ami Daniel, telle était la manière

    De préparer ce plat succulent et brillant.

    Si vous voulez grossir heureux, sans états d’âme,

    Rejeter l’obsession de quelques kilogrammes

    Et retrouver enfin une vie de haut goût,

    Alors sans hésiter, vite, resservez-vous !

    Cessons pour aujourd'hui ce conte culinaire,

    Ma tripe est assoiffée, remplis raz-bord mon verre

    D'un de ces vins subtils des beaux terroirs de France

    Qui te rendent gaillard, ivres de jouissance !

     

     

    Ingrédients et proportions pour six personnes:

    Un beau canard de 2 kilos paré de bardes de lard et ficelé, salé et poivré, - 2 tasses de bouillon de volaille, - le zest d'une orange entière, - le jus de cette orange (si vous trouvez des oranges bigarades, c'est encore mieux), - l cuillerée à soupe de maïzena.

     

    Les vins conseillés:

    Ce plat aux goûts très délicats demande des vins rouges subtils.

    En vins de la vallée du Rhône: Côte-Rôtie, Hermitage, Crozes-Hermi­tage, Séguret, Visan, Puyméras, Faucon, Piégon, Richerenches, Tulette, Sainte-Cécile-les-Vignes, Valréas, Bourg-Saint-Andéol, Orsan, Saint­Gervais, Ruoms.

    En vins du Languedoc: Minervois de Ginestas, Limouzis, Sallèles, Cabrespine ; Saint-Chinian de Ferrières-Pousarou, Murviel-Ies-Béziers, Vieusan.

    En vins de Provence: Bandol évidemment, Côtes-de-Provence de Bouc­-Bel-Air, Le Beausset, Cabasse ; Coteaux varois de Pontévès, Rocbaron, Sainte-Anastasie.

    Mais aussi tous les excellents vins de nos terroirs de France.

     

    Illustration originale Vincent Barbantan

  • La tête de veau en l'honneur de Louis-le-seizième.

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    Quand revient chaque année le temps des jours nouveaux

    Je convie mes amis pour la Tête de Veau.

    On la mange toujours le 21 janvier

    En souvenir du jour où la Veuve d'acier

    Décolleta Louis, le seizième du nom,

    En des temps de fureur, de fusils, de canons.

    C'est un plat collectif, festif, essentiel;

    C'est un repas royal ou... présidentiel!

    Me méfiant des veaux qui ont "la vache folle",

    Je vais chercher les miens en terres cévenoles.

    Pour avoir du bon veau, et pas de la charogne,

    Je commande la tête au boucher de Langogne.

    Et je vais la chercher moi-même, par le train

    Qui, de Nîmes, hardiment, gravit avec entrain

    Les mille et un lacets, les soixante tunnels,

    Les trente viaducs suspendus en plein ciel

    Reliant les splendeurs de la cité romaine

    Aux sauvages attraits des terres lozériennes.

    Heureux, le nez au vent, ma glacière à la main,

    J'en prend plein les mirettes, je hume le terrain

    Qui défile et s'enfuit, lentement, pas pressé.

    Cités mélancoliques de mines délaissées,

    Juvéniles chahuts, rires à chaque arrêt,

    À-pics vertigineux, oppressantes forêts,

    Rivières et torrents, petits lacs de barrages

    Viennent et disparaissent après chaque virage.

    Paisibles bovidés paissant dans les prairies,

    Spectacle interrompue par chaque galerie,

    Le voyage est trop beau, le voyage et trop court...

    - Oh ! Victor, bois un coup, arrête tes discours,

    Si maïses coume aco, la testa de vedeù

    Bouto, la manjaren beleù a l' an nouveù ! (l)

    - C'est bien vrai. Sers-moi donc un primeur agréable

    Qui chatouille si bien mon gosier insondable.

    Zou ! Trinquons et buvons, et ne fais pas la bête,

    Je vais te raconter comment on fait la tête.

    Lorsque j'arrive avec mon chef en bandoulière,

    La Lionne a déjà sorti la gazinière

    Des grandes occasions. Ce qui se fait de mieux:

    Un feu sur doubles rampes se croisant au milieu.

    Dans une oulo (2) profonde, voire une lessiveuse

    On met à dégorger la tête voyageuse

    Dans de l'eau claire et froide pendant une heure ou deux.

    La laisser une nuit pourrait être hasardeux.

    On la sort, on la met sur un large torchon,

    On noue les quatre coins tout comme un baluchon.

    Ainsi enveloppée, au fond de la bassine

    On place, dans l'eau chaude, la caboche bovine.

    Trois oignons giroflées, trois poignées de sel gros

    Du thym et du laurier, du persil, mais pas trop.

    Quand ça bout on écume avec application,

    Puis on baisse le feu à tout petit bouillon.

    On laisse cuire ainsi entre trois et quatre heures

    Cette lenteur voulue rend la cuisson meilleure.

    Pour la vérifier, je plante une fourchette:

    Quand ça rentre tout seul, on chauffe les assiettes.

    Soulevant le torchon, je sors alors la tête

    Que je fais égoutter, coiffée d'une serviette

    Pour bien tenir au chaud la viande qui tremblote.

    Alors ma femme attaque la sauce ravigote :

    Pour une tête entière, donc pour dix gros mangeurs,

    Gourmands tant que gourmets, solides bambocheurs,

    Elle écrase au mortier persil et estragon,

    Cerfeuil et ciboulette, câpres et cornichons,

    Tout cela manié dans trois hectos de beurre,

    Elle s'en servira dans sa phase ultérieure.

    Elle met à réduire huit ou dix échalotes

    Dans un verre de vinaigre, au fond d'une cocotte,

    Lorsque c'est bien réduit, trois cuillers de farine

    Dans du beurre fondu (pas de la margarine)

    Puis elle mouille avec cinq verres de bouillon,

    Le jaune de cinq œufs, sale avec précaution.

    Tournant au bain-marie, elle incorpore alors

    Deux bons hectos de beurre, du demi-sel d'Armor.

    Lorsque la sauce prend certaine consistance

    Elle y met l'appareil préparé par avance

    Et manie bien le tout à la cuillère en bois.

    La sauce est enfin prête pour un repas de choix.

    C'est alors que j'apporte, avec solennité

    La tête décorée avec habileté

    Par du persil frisé, dans le nez, les oreilles.

    L'assemblée s' esbaudit devant cette merveille.

    Les manches retroussées, armé du Laguiole,

    Je découpe en public la brûlante bestiole

    Les joues souples et grasses qui fument et tressautent,

    Le dedans du palais, puis la langue et la glotte,

    Les viandes délicates, mousseuses du cou,

    Les oreilles craquantes, les muscles des bajoues,

    Enfin, le dernier bout, le bonheur des gourmets:

    La pointe du museau, avec les trous du nez.

    Nicole distribue: chacun son bout de veau,

    Moi, je remplis les verres avec du vin nouveau.

    Cessons pour aujourd'hui ce conte culinaire

    Ma tripe est assoiffée, remplis raz-bord mon verre

    De ce nectar divin de la Coste-du-Rhône

    Et laisse près de moi la coupe et la bonbonne.

     

    Ingrédients et proportions pour huit personnes:

     

    Une tête de veau, même sans la cervelle (depuis la vache folle les bou­chers la vende écervelée), ça pèse autour de dix kilos et plus. Mais il reste beaucoup moins de viande mangeable!

    Pour la tête: - 1 tête sans la cervelle (dommage...), - 3 ou 4 gros oignons piqués de clous de girofle, - 2 poignées de gros sel de Camargue, - 6 feuilles de laurier, - 3 branches de persil plat, - eau à la demande (la tête doit toujours cuire entièrement immergée, au besoin mettez un poids dessus).

    Pour la sauce ravigotte : - 3 branches de persil plat, - 3 branches d'estra­gon, - quelques tiges de cerfeuil, - autant de ciboulette, - 1 cuillerée à café de câpres, - 2 cornichons. Tous ces ingrédients, pilés au mortier, seront maniés dans un hecto de beurre.

    - 5 échalottes, - 1 verre de vinaigre, - 2 cuillerées de farine. - 3 verres de bouillon, - 3 jaunes d'œuf, - 2 hectos de beurre demi-sel.

    - persil pour décorer les oreilles et les trous de nez.

     

    Les vins conseillés:

     

    La tête de veau s'accompagne idéalement avec des vins primeurs, des vins de soif, gouleyants, joyeux et sans chichis: Tulette, Sainte-Cécile-­les-Vignes, Rochegude, Gaugeac, Saze.

    Ventoux de : Mormoiron, Caromb, Bédoin. Tricastin.

    Coteaux du Languedoc.

    Côtes de Provence.

    Et même, en cas de pénurie de Côtes-du-Rhône, Bordeaux légers et Vins de Loire.

     

     

    (1) Si tu parles comme ça, la tête de veau, on la mangera peut-être, mais l’an prochain !

     

    (2) oulo : grand récipient profond destiné à la cuisson des aliments, soit suspendu à la crémaillère d’une cheminée, soit posé sur un trépied.

     

    Illustration X - Droits réservés