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LANTIFADAS - Page 106

  • Au bistro de la toile : les « larbins-crétins »

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    - Fatche, Loulle, faut évoluer. T’es ringard. T’es plus dans le coup. Non mais tu te rends compte, tu t’es vu dans une glace ? Tu bouffes de la viande, tu bois du pinard, tu mates le cul des belles passantes, en plus t’es même pas pédé, ni végétarien, encore moins végan, ni antialcoolique, ni anticorrida et, comble de l’horreur, t’es « lefkodermé » !

    - Lef… quoi ? Eh ! Oh ! Qu’est-ce qu’il t’arrive Victor. T’as la couille gauche qui prend l’eau ou quoi ?

    - Eh oui, Loulle, faut t’y faire, t’es « lefkodermé ».

    - Eh ! Oh ! Tu commences à me gonfler les aliboffis avec tes allusions et tes termes à la kon. Je suis pas plus « lefko… comme tu dis » que toi !

    - Exactement. T’es pas plus mais autant lefkodermé que moi Loulle.

    - C’est une maladie honteuse?

    - Bè… Certains voudraient nous faire croire que oui. Parce que ça veut dire, en grec, que tu as la peau blanche. Enfin, toi, le tarbouif, il est plutôt rouge quant aux panards, je n’ose pas me prononcer.

    - Et alors ? Faut pas être Blanc ?

    - Ben, c’est ce que les hérauts du « nouveau peuple » voudraient nous faire entrer dans la tête. On est Blancs, donc on est coupables. Forcément coupables.

    - Coupables de quoi ? Qu’est-ce que j’ai fait moi ?

    - Toi ? Rien. Moi non plus. Seulement on est « Blancs » et il se trouve que les « Blancs », nos ancêtres ont inventé l’industrialisation, donc la puissance technologique avec laquelle ils ont dominé le monde. Avec le Progrès, ils ont imposé leurs lois, leur manière de vivre tout en pillant les ressources des peuples conquis. Selon l’adage de La Fontaine qui dit que « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Et, comme tous les conquérants, ils n’ont pas toujours été tendres avec les autres peuples du monde.

    - Et alors ? Gengis Khan, il était tendre ? Pour compter le nombre de morts ennemis dans une bataille, les Mongols coupaient une oreille aux cadavres et en emplissaient ainsi des sacs. Et Tamerlan, il était tendre ? Lors de sa conquête de l’Inde, devant Delhi il a fait ériger des pyramides de têtes grâce à une habile imbrication de têtes décapitées mêlées au mortier. Non, ça n’est pas ce que l’on fait de plus élégant sur le plan architectural… Timour y Lang, l’égorgeur-bâtisseur. Et Mahomet dont les troufions égorgeaient tous les hommes lorsqu’ils prenaient une ville, et réduisaient toutes les femmes en esclavage. Tout n’est que rapport de force. Et la saloperie de l’Homme, qu’il soit blanc, noir, basané, rouge, jaune est infinie. Il n’y a donc pas de raison que l’on me reproche à moi des exactions commises par de lointaines générations.

    - Bien parlé Loulle. C’est pourtant ce que la logorrhée verbale et les écrits fielleux des « larbins-crétins » veulent nous mettre dans la tronche : « nous » sommes responsables de tous les malheurs du monde.

    - Mais qui c’est, Victor, ces crétins ? Tu le connais ce « peuple » toi ?

    - C’est le « nouveau peuple, » c’est-à-dire les minorités raciales (pardon, ethniques !), les minorités sexuelles, les extrémistes de la gamelle, les indigènes de ci ou de ça, les « antispécistes », tous les… phobes et les… istes. Les nouvelles valeurs ce sont l’inculture revendiquée à travers les émissions télés hanounesques, le crétinisme friqué de « l’art contemporain », la vulgarité haineuse de certaines « vedettes » du rap, mais aussi la sensiblerie bêlante pro bestiaux, la repentance pour des fautes que l’on n’a pas commises, l’autodénigrement de tout ce qui fait notre art de vivre assorti de l’adoration quasi idolâtre de tous ceux qui viennent d’ailleurs sans y être invités et de tout ce qu’ils ramènent avec eux, non seulement leurs cuisines et leurs vêtures « exotiques » mais aussi et surtout beaucoup de fanatisme, d’obscurantisme religieux, de pratiques « pittoresques » comme l’inégalité homme femme, l’excision et autres joyeusetés « modernes » qui font se pâmer les larbins-crétins qui font l’opinion.

    On a peut-être bien des défauts, Loulle mais au centre de nos valeurs il y a toujours le doute, la critique, l’examen à l’aune de la raison de tous les dogmes, de toutes les croyances, de toutes les « vérités révélées ». Ceci prend des formes diverses comme la presse libre (de plus en plus difficile…), la presse participative comme Agoravox ou Médiapart, les réseaux sociaux mais encore les livres d’investigation, les enquêtes, les pièces de théâtre, les films, les humoristes sans oublier les dessins humoristiques dont Charlie a payé un très, trop lourd tribu. Ceci crée les contre-pouvoirs indispensables dans nos démocraties qui, bien que très imparfaites, restent « le pire des régimes de gouvernement à l’exception de tous les autres ».

    Cette culture du doute, de la mise en cause, de la critique et même de l’autocritique se tourne souvent en autodénigrement, voire en haine de soi-même. C’est dans cette pathologie que se vautre le « nouveau peuple ».

    - Ouais… C’est d’autant plus préoccupant, Victor, que cette perte de confiance en nos valeurs arrive à un moment où notre manière de vivre, notre civilisation – qui en vaut bien d’autres – est attaqué par des adversaires résolus qui veulent sa destruction.

    - Voilà. Nos adversaires ou plutôt nos ennemis sont tous les fous d’allah, tous les nazislamistes et leurs idiots utiles, leurs larbins-crétins. Ils veulent liquider la liberté de critiquer, la séparation du politique et du religieux, l’égalité des sexes, la liberté de penser, de croire ou de ne pas croire. Pour eux, notre manière de vivre, nos valeurs sont l’horreur intégrale. Ils voudraient les remplacer, avec l’aide de leurs collabos, par la « douceur de vivre » sous la charia… Un univers islamiste qui n’est pas moins effrayant, étouffant, totalitaire que celui des nazis.

    - Bien parlé Victor ! Allez, je mets ma tournée, c’est toujours ça que ces kons n’auront pas !

     

    Illustration: merci au regretté Chimulus

     

     

  • Ouiquinde gastronomique. Pour Charlotte, la lotte au safran

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    Charlotte

     

    Lorsque l’air surchauffé tremble au soleil lion

    Qui calcine la plaine au feu de ses rayons,

    En émergeant de l’ombre, Charlotte vient au puits

    Et plonge son amphore dans l’eau fraîche qui luit.

     

    Cambrée, les bras au ciel, elle ôte sa chemise

    D’un geste coutumier mais d’une grâce exquise.

    Voluptueusement elle fait couler l’eau

    Qui caresse ses seins, et ses reins, et son dos.

     

    Pâmée, les yeux mi-clos, secouant sa crinière

    Elle crée une aura de perles de lumière.

    Arquée comme une harpe, elle s’offre à Phoebus.

     

    Tapi dans un fourré, mon cœur, mes sens s’enflamment,

    Fascinés de désir pour la fleur de lotus

    Qui orne la vallée qui fait d’elle une femme.

     

     

    Charlotte - La lotte au safran

     

    - Au lieu de te planquer pour mater la Charlotte

    Pourquoi pas l’inviter, Victor ? C’était plus franc !

    Ce qu’il te fallait faire, c’est une queue de lotte

    Que tu lui cuisinais à l’ail et au safran.

    Pour séduire Charlotte en un repas intime

    Il faut, évidemment, lui faire un peu de frime.

    Sur le bord de son puits, pose un bouquet de fleurs !

    Chante-lui une aubade ! Montre-toi enjôleur !

    Mets-toi à ses genoux ! Mieux encor, fais-la rire,

    C’est souvent le moyen le plus sûr pour séduire.

    - Oh ! Lâche-moi la grappe, car pour le baratin

    J’en remontrerais même à un Napolitain !

    Dis-moi plutôt comment je fais cette baudroie,

    C’est le nom de la lotte, ici, dans nos endroits.

    - Prends une queue de lotte d’une livre et demi

    Faut être généreux, fais pas d’économies.

    Demande au poissonnier d’enlever l’os central,

    Il n’y a pas d’arêtes dans ce drôle d’animal.

    Au mortier tu écrases un ail et du persil

    Quelques grains de cumin, du safran en pistils

    Allonge l’appareil d’un peu d’huile d’olive

    C’est la plus parfumée et la plus digestive.

    Tu en mets à chauffer aussi dans ta cocotte.

    Sur ton plan de travail, étends tes demi-lottes,

    Tu garnis l’intérieur de ta préparation,

    Sales légèrement, reformes le poisson

    Enfin, avec du fil, tu le brides serré

    Tu le mets en cocotte et tu le fais dorer.

    Puis tu baisses le feu et fais cuire à feu doux,

    Tu le tournes et surveilles, vingt-cinq minutes en tout.

    Puis tu réserves au chaud sur le plat de service.

    Déglace ta cocotte au Beaumes-de-Venise

    Rajoute du safran en pistils ou en poudre

    Puis un jet de Cognac, mais pas un dé à coudre,

    Un peu de crème fraîche pour donner du liant

    Tu nappes ton poisson et sers ce plat friand.

    Tu verras pétiller dans les yeux de ta belle

    Des promesses de joie, d’amour et de dentelles.

    À nous, belles conquêtes ! Le vin vous embellit.

    Continuons la fête, ouvrez-nous votre lit.

    Chantons, rions, mangeons, et trinquons nuit et jour

    À la beauté des femmes, au vin et à l’amour !

     

     

    Ingrédients et proportions pour six personnes:

    - 3 queues de lotte d'une livre et demi chacune, - 3 gousses d'ail, - 1 bouquet de persil plat, - 1 cuillerée à café de cumin en poudre, - 12 pistils de safran, - 3 cuillerées à soupe d'huile d'olive, - 3 cuillerées à dessert de fleur de sel de Camargue, - 1 petit pot de crème fraîche, - 1 verre de Beaumes-de-Venise, - 1 verre de Cognac.

     

    Les vins conseillés:

    Ce plat de poisson à la saveur puissante s'accommode parfai­tement de vins blancs ayant du caractère: Côtes-du-Rhône de Laudun, Villedieu, Lirac, St-Hilaire-d'Ozilhan, Châteauneuf-­du-Pape.

    Coteaux-du-Languedoc de La Clape, Picpoul de Pinet, Clairette-de-Bellegarde.

    Côtes-de-Provence de Palette, Coteaux-varois de Salernes, Saint-Maximin, Bellet.

    Il accepte aussi parfaitement des vins rouges frais: Côtes-du ­Rhône d'Estézargues, Côteaux-d'Avignon, Chusclan, Roche­gude, Saint-Maurice-sur-Aygues, Sablet. Costières-de-Nîmes. Coteaux-du-Languedoc de St-Drézery, Saint-Christol ou encore le "vin d'une nuit" de Saint-Saturnin. Coteaux-varois de Tour­ves, Barjols, Nans-les-Pins.

     

    Photo X - Droits réservés

     

     

  • C’est la journée « Alzheimer ».Vous voulez du vécu ? En voilà.

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    - Tu te souviens Nicole lorsque tu étais fleuriste ? Tu étais belle à rendre jalouses les plus somptueuses de tes roses. Et efficace ! Bien des hommes achetaient chaque semaine un bouquet pour leur femme pour avoir l’occasion de te voir…

    - C’est vrai. Il y en avait même qui m’offraient de beaux bouquets de roses rouges !

    - Que tu t’empressais de remettre à la vente dès que ton soupirant transi avait tourné les talons !

    - Chut ! Faut pas le dire ça…

    -Tu étais la plus belle fleur de ta boutique, et c’est moi qui l’ai cueillie ! Tu t’en souviens ?

    - Ben oui, un peu quand même… Tu m’as invité à aller à la mer je crois.

    - Voilà. En fait, c’est drôle : un type en camion accroche et déchire l’aile de la belle bagnole de sport que j’avais à l’époque. Il se trouve que c’était à quelques mètres de ta boutique. Je n’avais pas de formulaire de constat d’assurance, le type du camion non plus, je suis donc entré dans ta boutique et je t’ai demandé si tu avais ce genre de chose. Tu avais, tu me l’as donné. C’était samedi. Le lendemain donc, je suis venu, je t’ai commandé un gros bouquet de roses rouges… que je t’ai offert ! Avec une enveloppe dans laquelle j’avais glissé un chèque intitulé ainsi : « 10 000 baisers » ! Et je t’ai invité à venir avec moi à la Grande Motte.

    - « Oui, mais j’ai mon fils !

    - Très bien. Quel âge il a ?

    - Dix ans.

    - Extra ! Moi j’ai ma fille qui en a onze…

    Les deux gamins se connaissaient de l’école ! Ils ont tout de suite été copains et complices de nos amours.

    - Oh oui. Non, je n’ai pas oublié, comme dit la chanson.

    Même que j’ai manqué la sortie de l’autoroute tellement je reluquais du coin de l’œil tes longues jambes sous ta courte jupe en « jean’s »…. Puis la plage, le rituel complice de l’ambre solaire, les premières caresses plus ou moins fortuites, les premiers regards magiques, ceux qui disent tout… Enfin tu m’as ouvert ta porte, tu m’as ouvert ton lit, tu m’as ouvert ton cœur, tu m’as ouvert tout ce qu’une femme peut ouvrir à un homme. J’y suis entré, je m’y suis trouvé si bien… que j’y suis resté et que j’y suis encore, 35 ans après !

    - Ouais ! C’est joli ça dit. Viens que je claque la bise.

    - Puis tu as vendu ta boutique et tu es venue travailler avec moi. Au service publicité du magazine que je dirigeais.

    - Ouais… Je me rappelle un peu. C’est loin ça… Je crois que je m’occupais du secteur rive droite du Rhône.

    - Voilà. Tu allais de Nîmes à Montpellier, et même Narbonne, Perpignan. On allait même à Barcelone. C’est dingue ! Tu en faisais des bornes avec ta jolie petite bagnole branchée, la 309 « Green » avec toit ouvrant.

    - Mon dieu. C’est vrai. Je me souviens de l’immeuble de la Région Languedoc-Roussillon à Montpellier. Dix-sept étages que je montai à pied. Parce que moi, les ascenseurs, j’ai peur…

    - C’est ça qui te donnait de belles gambettes et une silhouette de reine. Tu es rapidement devenue la meilleure négociatrice de pub du canard. Les chefs d’entreprise et les dirigeants qui étaient tes interlocuteurs, tu savais les vamper ! Lorsqu’ils étaient trois à négocier face à toi seule, les pauvres, ils étaient en infériorité numérique !

     

    À cette époque, je me suis rendu compte que Nicole avait des difficultés avec sa mémoire. Notre toubib m’a donc demandé de l’emmener en consultation chez un neurologue. Pas facile de convaincre quelqu’un de faire cette démarche. J’y suis pourtant arrivé non sans mal, avec l’aide de son fils Sébastien et nous voilà chez le spécialiste en question, à Avignon. Une horreur ! Neurologue, peut-être, mais avec autant de psychologie qu’un CRS dans une manif !… Le mec : petites lunettes cerclées d’acier, physique de sarment de vigne et comportement pète-sec. Très désagréable.

    Nicole était évidemment perturbée par ce genre d’examen et voilà que ce type entame avec elle un véritable interrogatoire de flic. « Votre nom ? – Où êtes-vous née ? - Nom de votre père, de votre mère ? - Où êtes-vous ? - Combien font 100 moins 7 ? » etc. Il s’agit là d’éléments d’un test de dépistage des troubles de la mémoire, mais la manière de faire ce test n’était pas très appropriée. Puis il m’a fait venir et nous a dit, avec son air supérieur : « Il faut faire un scanner de la tête pour dépister une éventuelle tumeur du cerveau, puis un Doppler. Vous reviendrez dans un mois et on décidera… »

    On a surtout décidé de fuir à tout jamais ce sinistre mec. Ce docteur Mengélé de sous-préfecture. Ma Nicole est sortie de là enfoncée dans les trente-sixièmes dessous. Il nous a fallu – à Sébastien et moi - des trésors de patience et de persuasion pour rattraper les dégâts occasionnés par un personnage dont on se demande ce qu’il fait dans le monde médical.

    Deux ans plus tard, nous avons rencontré un autre neurologue, à Rodez puisque nous étions en Lozère. Très gentil, très doux, souriant, compréhensif, amical, et grâce à lui nous avons réussi à faire ces fameux examens qui nous ont rassurés d’un côté mais nous ont confirmé un diagnostic difficile à encaisser…

    Nous faisions tout de même beaucoup de vélo, je lui faisais faire des Suduku, elle a ressorti la collection de timbres de son enfance, elle a entamé une collection de pièces de monnaies, je me suis toujours efforcé de lui garder une vie sociale : on reçoit des amis, on va chez d’autres, etc. Mais la descente est irréversible.

    Il y a eu pour moi un moment crucial dans cette descente, c’est lorsque Nicole est devenue incontinente… Difficile de découvrir que ces lieux magiques, source de bonheur, ont aussi une fonction physiologique… La première fois que c’est arrivé, je me suis emporté contre Nicole. « Mais enfin, tu ne pouvais pas le dire ? Fais attention, merde ». C’était le terme approprié.

    Alors, elle s’est accrochée à mon cou et, ses beaux yeux pleins de larmes, elle m’a dit avec une voix blanche de petite fille prise en faute : « J’ai pas fait exprès. »

    Bien sûr qu’elle n’a pas fait exprès ! Bien sûr. Quel kon j’étais, quel sinistre abruti. Je me traitais intérieurement de tous les noms. Je me serais battu. C’est elle la plus malheureuse, la plus humiliée, pas moi. Alors je me suis juré de ne plus jamais, jamais, jamais lui « crier après ».

     

    Nicole, ma belle maîtresse, ma compagne, ma chérie, mon amour sur laquelle est tombée une calamité, il y a une douzaine d’années maintenant : Alzheimer. Une horreur. Vous voyez régresser jour après jour celle que vous aimez. Vous la voyez descendre irrémédiablement. Vous la voyez s’étioler physiquement, s’évaporer mentalement.

    Vous subissez les conseils de personnes qui pensent que vous devriez « la mettre dans une maison spécialisée ». Moi je m’y refuse et j’ai choisi de m’en occuper tant que je serai là. Mais ce tête à tête permanent avec la déchéance de la personne que vous aimez est très éprouvant. D’abord les dialogues qui s’étiolent, qui perdent toute pertinence, puis vient le coup de barre : lorsque, pour la première fois, vous êtes confronté à l’incontinence. Vous découvrez alors ce que vous avez tant adoré sous des horizons nouveaux si je puis dire…

    À partir de là, en parfait accord avec Seb, le fils de ma chérie, nous avons fait appel à de l’aide extérieure. Sous forme de la venue à domicile, chaque matin hors ouiquinde,puis tous les jours matin et soir d’une aide-soignante se chargeant de la toilette de ma compagne. Puis, deux fois par semaine par la venue d’une aide à domicile venant tenir la maison un peu mieux que ne le fait un homme !

    Et j’ai découvert deux choses : d’abord que notre pays, notre république, même imparfaite – et je suis le premier à gueuler ! - ne laisse pas tomber ses citoyens. J’ai trouvé des fonctionnaires territoriaux dévoués, compréhensifs, compétents qui se sont « décarcassés » comme on dit chez nous pour nous venir en aide. Ensuite, j’ai découvert des personnes merveilleuses, ces aides-soignantes, ces auxiliaires de vie qui apportent non seulement leur savoir-faire, mais aussi et surtout leur sourire, leurs paroles, leur présence, leurs conseils éclairés, leur gentillesse, leur inépuisable générosité. Elles sont comme des rayons de soleil.

    Un grand merci à Carole, Anaïs, Charlène, Charline, Aurélie, Nouria, Yasmina, Nadia, Patricia, Katia, Karine, Nina, Laeticia. Merci à Sylvie, à Sophie, à Nadia, à Anita, à Patricia encore. Merci aussi à Ervénie, à Nicole et à toutes celles qui enluminent la vie de ma compagne de leur venue et de leur présence éphémère mais si précieuse.

    Et puis merci enfin à ma Nicole dont les difficultés me permettent de découvrir en moi des qualités de patience, de générosité, d'altruisme, de compassion que je ne me soupçonnais pas. Cerise sur le gâteau, elle m'offre un sentiment d'une grande richesse, que peu d'hommes peuvent expérimenter : celui d'une mère pour son petit enfant ! Pas d'un père, ça, je connais. D'une mère-poule protectrice, qui ne dort que d'un œil, qui vérifie si sa protégée chérie est bien couverte, qui devine ses besoins, qui invente toute sorte de clowneries pour la faire rire.

    Je suis devenu un mari-poule !

    Avec ma chérie, nous allons bientôt fêter nos 150 ans ! À deux, bien sûr puisque nous sommes inséparables.

    - « Et vous nous dîtes ?

    - On continue ! »