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poésie

  • Ouiquinde gastronomique « giletjaunien » : Le cassoulet de Paulette.

    Cassoulet.jpg

     

    Les fluo gilets jaunes, dans tous les coins de France

    Font office, ces jours, d’arme de résistance.

    En d’autres temps, au Sud, les lances, les épées

    Eurent comme allié un plat : le cassoulet !

     

    En ce temps-là, petit, les terres occitanes

    Subissaient les horreurs des foudres vaticanes.

    La conjonction rapace de talibans papistes

    Et de seigneurs brumeux aux vues colonialistes

    Jetait en pays d’Oc des hordes franchimandes.

    Ils tuaient, ils violaient, ces barbares en bandes,

    Saccageant les campagnes, pillant villes et bourgs,

    Exterminant le peuple, brûlant les troubadours.

    Sous les exhortations de l’affreux Dominique

    Ils cramaient les Parfaits, sous le nom d’hérétiques.

    Ces bœufs au front obtus, à l’ombre de leur croix

    Menaient honteusement, pour leur pape et leur roi

    La razzia des voleurs : la guerre de conquête.

    Finies les Cours d’Amour, place au bal des squelettes.

    - Ces temps étaient bien durs, ces gens étaient bien laids

    Mais, Victor, on devait parler du cassoulet !

    - Exactement, petit. Ouvre ce Saint-Nabor

    Et buvons à la Dame Jehanne de Lavaur,

    Car c’est elle qui, en ces périodes troublées,

    Au front de l’ennemi, créa le Cassoulet !

    Ah ! Il fallait la voir notre Dame Jehanne,

    Indomptable, farouche et belle comme Diane,

    Culbutant les marauds, écrasant les soudards,

    Taillant et estoquant Franchimands et Picards,

    Plus de six pieds de haut et lourde d’un quintal,

    Sa crinière de geai et ses yeux de cristal,

    Galvanisaient le peuple assiégé de la ville

    Et glaçaient de terreur les assaillants débiles.

    Tous abordaient l’hiver de l’an mille cent onze.

    Les rives de l’Agout changeaient leurs ors en bronze,

    Les assiégeants, menés par Simon de Montfort

    S’efforçaient d’affamer le peuple de Lavaur,

    Place fortifiée entre Albi et Toulouse,

    Capitale du Sud, de son honneur jalouse.

    L’Occitanie d’alors était démocratique,

    On discutait de tout sur la place publique,

    On s’aimait, s’entraidait, partageait l’assiettée,

    Les maîtres mots étaient Amour et Liberté.

    Dans Lavaur étranglée, la position est grave.

    Jehanne alors regroupe et harangue ses braves :

    - « Monfort veut notre peau, il devra payer cher,

    Ne nous nourrissons pas d' avés et de paters !

    Amenez tous céans ce qui se peut manger,

    Tout ce que vous avez, nous l’allons partager. »

    Et chacun apporta, de caves et greniers,

    Qui des tours de saucisses, qui des cochons entiers,

    Qui des canards confits, qui de la graisse d’oie,

    Qui des sacs de Pamiers, qui des fèves de Foix.

    Dans de vastes chaudrons on fit cuire le tout.

    C’est ainsi que naquit le célèbre ragoût,

    L’un des plats les meilleurs qui se puissent avaler,

    Puissant, tonitruant, fondant : le Cassoulet !

    De Castelnaudary à Toulouse et Lavaur

    De Castelsarrasin à Pamiers et Cahors,

    Des berges de l’Ariège aux rives de Garonne,

    Du château de Phébus aux tours de Carcassonne,

    Le cassoulet est roi, le cassoulet est maître,

    Il donne à ses sujets plénitude et bien-être,

    De tout le Sud-ouest il est le plat fanion

    Symbole de l’union et de la rébellion.

    Voici comment le fait Paula de la Verrière,

    Jehanne d’aujourd’hui, grande, forte et altière.

    Les premiers ingrédients, ce sont les haricots,

    Il te faut des Pamiers, ou sinon des Cocos.

    S’ils sont secs, trempe-les avant de mettre à cuire,

    S’ils sont frais, dans de l’eau, tu les mets à blanchir

    Demi-heure environ, toujours à gros bouillons,

    Du sel évidemment et des petits oignons.

    Lorsque les haricots sont souples sous le doigt

    Tu égouttes et réserves, au chaud comme il se doit.

    Range de belles couennes au fond de la marmite,

    Place tes haricots par-dessus tout de suite,

    Un carré de cochon frotté d’ail et de sauge,

    Quelques tours de saucisse, de Foix, Toulouse ou Auch,

    À Toulouse on y met un morceau de mouton,

    À Castelnaudary, seulement du cochon,

    Trois tomates en quartiers, mondées, épépinées,

    Un saucisson de couennes et du petit-salé,

    Quelques clous de girofles, poivre, bouquet garni.

    Tu mouilles avec le jus où les fayots ont cuit,

    Tu couvres et tu mets pour trois heures à feu doux.

    Va-t’en boire un canon, et oublie ton faitout.

    Deux heures après tu ouvres et vérifies le plat,

    Si besoin est, rajoute du bouillon, juste un doigt,

    Tu poses sur le tout - avec quelle allégresse ! ­

    Des cuisses de canard confit, avec leur graisse.

    Tu fermes de nouveau et remets sur le feu,

    Ou plutôt dans le four, une bonne heure ou deux.

    Pour l’onctuosité - c’est un secret, écoute ! ­

    Sept fois, à la cuiller, tu casseras la croûte

    Qui se forme au-dessus de ton plat qui mijote,

    Fais délicatement, avec tact et jugeote.

    Ton cassoulet est prêt, met l’oulo sur la table

    Et sert à tes convives des portions équitables.

    Accompagne ce plat d’un vin rouge puissant,

    Cairanne, Châteauneuf, Gigondas ou Visan.

    Dégustant ce fleuron des cuisines de France,

    Tu manges, avec Jehanne, un plat… de Résistance !

    Cessons pour aujourd’hui ce conte culinaire,

    Ma tripe est assoiffée, remplis raz bord mon verre

    D’un de ces vins subtils, poussés en Languedoc

    Qui te rendent gaillard, solide comme un roc.

     

    Ingrédients et proportions pour six personnes :

    - 2 kg de haricots frais, des pamiers, des cavaillonnais, des cocos de Paimpol, à la rigueur des soissons (avec des haricots secs, divisez cette quantité par deux et faites tremper une nuit avec un peu de bicarbonate), - 3 couennes de cochon, - 1 carré d’un demi-kilo de cochon (rouelle ou filet), - 1 kg de saucisse de Toulouse, - 1 saucisson de couenne, - éven­tuellement 1 demi-kilo de mouton (morceaux pour ragoût), - 2 hectos de petit-salé en dés, - 6 cuisses de canard confit, - 6 gousses d’ail, - 6 feuilles de sauge (fraîche ou sèche), - 1 oignon piqué de six clous de girofle, - 3 tomates coupées en quartiers, - 1 gros bouquet garni (thym, laurier, persil), - 2 cuillerées à café de poivre noir, - 1 poignée de gros sel de Camargue, - de l’eau à la demande (pour cuire les haricots).

     

    Les vins conseillés :

    A plat puissant, vins généreux. Pour le cassoulet, en vins de la vallée du Rhône : Cairanne, Vinsobres, Visan, Tulette, Rochegude, Suzette, Séguret, Violès, Rasteau, Sérignan-du-Comtat, Beaumes-de- Venise, Lirac, Bédarrides, St-Gervais, St-Victor-Lacoste, Estézargues, Domazan.

    En vins du Languedoc et du Roussillon : Saint-Chinian, Pic-Saint-Loup, Saint-Georges-d’Orques, La Méjanelle, Faugères, Minervois, Fitou… Cor­bières, Collioure.

    En vins de Provence : Bandol, Palette, Barjols, Saint-Maximin, La Roquebrussanne, Cogolin, Le Cannet-des-Maures, Bellet.

    Sans oublier, bien sûr, les Gaillac, les Madiran, les Cahors et les Pécharmant.

     

     

    Illustration originale Vincent Barbantan

     

    In "GROSSIR (ou pas!) sans peine et sans régime !"

  • Ouiquinde gastronomique. Pour Charlotte, la lotte au safran

    nue cambrée.jpg

     

    Charlotte

     

    Lorsque l’air surchauffé tremble au soleil lion

    Qui calcine la plaine au feu de ses rayons,

    En émergeant de l’ombre, Charlotte vient au puits

    Et plonge son amphore dans l’eau fraîche qui luit.

     

    Cambrée, les bras au ciel, elle ôte sa chemise

    D’un geste coutumier mais d’une grâce exquise.

    Voluptueusement elle fait couler l’eau

    Qui caresse ses seins, et ses reins, et son dos.

     

    Pâmée, les yeux mi-clos, secouant sa crinière

    Elle crée une aura de perles de lumière.

    Arquée comme une harpe, elle s’offre à Phoebus.

     

    Tapi dans un fourré, mon cœur, mes sens s’enflamment,

    Fascinés de désir pour la fleur de lotus

    Qui orne la vallée qui fait d’elle une femme.

     

     

    Charlotte - La lotte au safran

     

    - Au lieu de te planquer pour mater la Charlotte

    Pourquoi pas l’inviter, Victor ? C’était plus franc !

    Ce qu’il te fallait faire, c’est une queue de lotte

    Que tu lui cuisinais à l’ail et au safran.

    Pour séduire Charlotte en un repas intime

    Il faut, évidemment, lui faire un peu de frime.

    Sur le bord de son puits, pose un bouquet de fleurs !

    Chante-lui une aubade ! Montre-toi enjôleur !

    Mets-toi à ses genoux ! Mieux encor, fais-la rire,

    C’est souvent le moyen le plus sûr pour séduire.

    - Oh ! Lâche-moi la grappe, car pour le baratin

    J’en remontrerais même à un Napolitain !

    Dis-moi plutôt comment je fais cette baudroie,

    C’est le nom de la lotte, ici, dans nos endroits.

    - Prends une queue de lotte d’une livre et demi

    Faut être généreux, fais pas d’économies.

    Demande au poissonnier d’enlever l’os central,

    Il n’y a pas d’arêtes dans ce drôle d’animal.

    Au mortier tu écrases un ail et du persil

    Quelques grains de cumin, du safran en pistils

    Allonge l’appareil d’un peu d’huile d’olive

    C’est la plus parfumée et la plus digestive.

    Tu en mets à chauffer aussi dans ta cocotte.

    Sur ton plan de travail, étends tes demi-lottes,

    Tu garnis l’intérieur de ta préparation,

    Sales légèrement, reformes le poisson

    Enfin, avec du fil, tu le brides serré

    Tu le mets en cocotte et tu le fais dorer.

    Puis tu baisses le feu et fais cuire à feu doux,

    Tu le tournes et surveilles, vingt-cinq minutes en tout.

    Puis tu réserves au chaud sur le plat de service.

    Déglace ta cocotte au Beaumes-de-Venise

    Rajoute du safran en pistils ou en poudre

    Puis un jet de Cognac, mais pas un dé à coudre,

    Un peu de crème fraîche pour donner du liant

    Tu nappes ton poisson et sers ce plat friand.

    Tu verras pétiller dans les yeux de ta belle

    Des promesses de joie, d’amour et de dentelles.

    À nous, belles conquêtes ! Le vin vous embellit.

    Continuons la fête, ouvrez-nous votre lit.

    Chantons, rions, mangeons, et trinquons nuit et jour

    À la beauté des femmes, au vin et à l’amour !

     

     

    Ingrédients et proportions pour six personnes:

    - 3 queues de lotte d'une livre et demi chacune, - 3 gousses d'ail, - 1 bouquet de persil plat, - 1 cuillerée à café de cumin en poudre, - 12 pistils de safran, - 3 cuillerées à soupe d'huile d'olive, - 3 cuillerées à dessert de fleur de sel de Camargue, - 1 petit pot de crème fraîche, - 1 verre de Beaumes-de-Venise, - 1 verre de Cognac.

     

    Les vins conseillés:

    Ce plat de poisson à la saveur puissante s'accommode parfai­tement de vins blancs ayant du caractère: Côtes-du-Rhône de Laudun, Villedieu, Lirac, St-Hilaire-d'Ozilhan, Châteauneuf-­du-Pape.

    Coteaux-du-Languedoc de La Clape, Picpoul de Pinet, Clairette-de-Bellegarde.

    Côtes-de-Provence de Palette, Coteaux-varois de Salernes, Saint-Maximin, Bellet.

    Il accepte aussi parfaitement des vins rouges frais: Côtes-du ­Rhône d'Estézargues, Côteaux-d'Avignon, Chusclan, Roche­gude, Saint-Maurice-sur-Aygues, Sablet. Costières-de-Nîmes. Coteaux-du-Languedoc de St-Drézery, Saint-Christol ou encore le "vin d'une nuit" de Saint-Saturnin. Coteaux-varois de Tour­ves, Barjols, Nans-les-Pins.

     

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