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LANTIFADAS - Page 50

  • Davos 2020 : les vols des vautours.

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    Coucou, les revoilou ! Les vautours sont, comme chaque année, de retour pour leur raout annuel à Davos. En volant bien sûr, dans les deux acceptions du terme. Avec 1500 jets privés, 11 % de plus que l’année derrière. Il est vrai que le thème principal, cette année est de savoir comment rendre les entreprises plus respectueuses du climat. Ben voyons…

    « Ils » vont débattre de l’avenir du monde. Cette année, parmi leurs « préoccupations » principales, les risques dont « ils » considèrent que l’impact sera le plus fort, trois des cinq premiers sont liés à l’environnement : Inaction climatique, armes de destruction massives, perte de biodiversité, changement climatique, crises de l’eau. Ces menaces découlent directement de leurs actions, plutôt de leurs méfaits. Vont-ils y remédier ? Eh ! Oh ! En paroles peut-être…

    Des paroles, il va y en avoir. En particulier celles, à l’opposé, de Greta Thunberg, représentante virulente de la jeunesse accusatrice du monde, et de Donald Trump.

    Sainte Greta, templière de la lutte contre le réchauffement climatique : "Nous venons d’entrer dans une nouvelle décennie, une décennie où chaque mois et chaque jour seront absolument cruciaux pour décider de ce que sera l’avenir", écrit-elle avant de demander l’arrêt immédiat de toutes les énergies fossiles. "Pour certains, il peut sembler que nous demandons beaucoup. Mais ce n’est que le minimum d’effort nécessaire pour amorcer une transition rapide et durable. Le fait que cela n’ait pas encore été fait - en 2020 - est, très franchement, une honte". Elle ajoute : "Tout ce qui n’irait pas dans le sens d’un arrêt immédiat de ces investissements dans l’industrie des combustibles fossiles serait une trahison envers la vie elle-même".

    À l’opposé, Donald Trump, docteur Folamour (non, plutôt Folàhaine) pour qui le réchauffement climatique est une rumeur lancée par les ennemis chinois, avec qui les énergies fossiles tournent à plein régime. Pour lui, l’urgence n’est pas climatique mais géopolitique avec la crise en Iran.

    Et puis la parole de l’organisateur du raout davosien Klaus Schwab : "Le monde est en état d’urgence et la fenêtre pour agir est en train de se refermer […] Nous ne voulons pas faire face à une désintégration politique et économique continue, nous ne voulons pas atteindre le moment où le changement climatique sera irréversible". Il ajoute : "Mon rêve pour Davos est d’amener les gros investisseurs à ne financer que des investissements qui ne nuisent pas à l’environnement".

    Et encore le rapport Global Risks qui n’omet pas non plus le risque social, au moment où plusieurs pays du monde font face à de vastes mobilisations. "Le mécontentement des citoyens s’est durci avec des systèmes qui n’ont pas réussi à favoriser la promotion sociale. La désapprobation de la manière dont les gouvernements abordent les problèmes économiques et sociaux profonds a déclenché des protestations dans le monde entier, affaiblissant potentiellement la capacité des gouvernements à prendre des mesures décisives en cas de récession", alertent les auteurs.

    Paroles, paroles, paroles…

    En 2019 : les 1 % les plus riches de la planète possèdent désormais plus du double du reste de l’humanité, soit 92 % de la population mondiale. "Une minorité d’hommes blancs se taille la part du lion" résume l’ONG Oxfam, et le rythme de réduction de la pauvreté est deux fois inférieur à celui de 2013. "Les inégalités sont au cœur de fractures et de conflits sociaux partout dans le monde. Elles ne sont pas une fatalité, elles sont le résultat de politiques sociales et fiscales qui réduisent la participation des plus riches - entreprises et particuliers - à l’effort de solidarité par l’impôt et fragilisent le financement des services publics. Transports, éducation, santé, système de retraites sont sacrifiés."

    La France de Macron ne fait pas exception à cette tendance générale avec 41 milliardaires, quatre fois plus qu’après la crise financière de 2008 ! Eh ! Oh) Et de quoi ils se plaignent les Gilets jaunes ? Et la CGT ? On est riches, merde ! Mouais… Enfin, pas tous…

    Mais qui sont-ils ces soi-disant « maîtres du monde » pour prétendre à cet extraordinaire pouvoir ? Qui les a choisis ? Qui les a élus ? Qui représentent-ils ? Devant qui sont-ils responsables ? Ils sont les représentants de quelques centaines d’officines financières et de compagnies multinationales qui mettent la terre en coupe réglée, qui réduisent au quasi-esclavage l’essentiel de l’humanité, qui saccagent la planète au profit de quelques milliers, allez, soyons larges, quelques dizaines de milliers de parasites. Élus par personne évidemment si ce n’est par ces cercles mafieux qui se camouflent sous le nom de « conseils d’administrations ».

    Ils sont les « apôtres » de la mondialisation, de la dérégulation sans freins, de la croissance à tous crins. Résultat de l’action de ces nuisibles : la planète dévastée, le climat déréglé, la clochardisation généralisée des populations laborieuses, l’accaparement des richesses mondiales au profit d’une poignée d’escrocs cupides et veules, la défaite des démocraties, le règne des dictatures, l’abrutissement des foules par l’obscurantisme religieux. Quant aux « politiques » qui se montrent à ce bal des sorcières, ils ne sont que les marionnettes de ces crapules.

    Ce qu’ils appellent « stabilité mondiale », c’est le maintien sans trop de problèmes de leur mainmise sur l’économie du monde. Que les pauvres s’appauvrissent un peu plus, ils s’en branlent complètement. Mais ils ne sont pas tranquilles, comme s’il y avait des cailloux dans leur caviar. Ces cailloux, ce sont la poudrière du Moyen-Orient, le terrorisme islamique, les ratés du moteur chinois, le déferlement des migranvahisseurs, la montée de la dictaturocratie en Europe, sans oublier le bordel généré par le changement climatique. etc.

    Pendant ce temps, dans le monde entier – au Chili, en Algérie, au Liban, à Hong Kong, en France, et ailleurs – la « populasse » se réveille, occupe la rue, demande le dégagement de personnels politiques corrompus et bientôt mettra peut-être bien des têtes sur des piques…

    « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux » à écrit, ou pas, Étienne de la Boétie.


    Illustration: merci à Frep



  • Grandes voix. Régis Debray sur LA DÉFENSE EUROPÉENNE.

     

    Régis-Debray-2016.jpgLA DÉFENSE EUROPÉENNE C’est sans doute pour remonter cette pente à la facilité qu’un entreprenant mais très inexpérimenté Président français (2018) a relancé l’idée, on ne peut plus louable, d’une Armée européenne, en rajoutant un sigle, l’IEI (l’Initiative européenne d’intervention) aux nombreux précédents. C’est la coutume maison, la preuve managériale du sérieux. Quiconque, suite à la CED (1952), ouvre le dossier PESD (Politique européenne de sécurité et de défense) plonge dans une forêt de sigles ininterrompus (dont seule une trentaine de spécialistes, en France, connaissent la signification) : UEO, HTVP, COPS, GTVE, PSDC, EUFOR. Peu importe si les initiales restent sans contenu, comme les Conventions, sans effet (ainsi de la CSP, ou Coopération structurée permanente, prévue en 2007 par le Traité de Lisbonne). Ce qui compte, c’est le quick de l’abréviation, version techno de l’art oratoire, le parler cash sonnant efficace. On retrouve ici, à la bonne heure, le dédoublement banquet/banquier, prédication/exécution. Le votif d’un côté, source d’espoir, le factuel de l’autre, source d’embarras (le réel, c’est ce qui résiste).

    La Belgique venait d’acquérir le F-35 de Lockheed-Martins, en 35 exemplaires, pour équiper son armée de l’air (et non l’Eurofighter ou le Rafale de Dassault, made in Europe), avion de chasse dont les informations en vol remontent en temps réel au fabricant américain, donc au Pentagone, choix qui avait également été celui des Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas, Danemark, et serait bientôt celui de la Grèce, Roumanie, Pologne, Finlande, quand il ne fut plus bruit, dans les médias et les hémicycles, que d’une Défense souveraine. L’incantation n’a pas fait mention du coup de Jarnac flamand, sans commentaires en haut lieu. Un expert en armement, laconique, conclut : « Tous les Européens voleront en 2045 sur des avions américains. Le reste, c’est de la philosophie. » Le nom noble du bla-bla en langue militaire.

    Mutualiser des services d’intendance ou de logistique reste toujours possible, mais s’il s’agit d’une force opérationnelle, une flopée de questions toutes bêtes vient à l’esprit du pékin. Quelle nationalité, le haut Commandement ? Quelle langue parlera-t-on au mess des officiers entre un Letton, un Espagnol, un Français, un Allemand…? Et les ordres transmis aux différents échelons, en volapük intégré ? L’esprit de corps laisserait à désirer. Combien de doigts sur le bouton nucléaire ? Quel sanctuaire sera couvert par la dissuasion existante, à quelle ligne rouge franchie se déclencherait « l’ultime avertissement » avant le feu nucléaire ? Mais surtout, comment s’accorder sur une stratégie, un ciblage commun, une même évaluation des menaces, ou, en d’autres termes, comment s’opérera la fusion des intérêts nationaux, des antagonismes historiques, des situations géographiques ? Que faire, pour un déploiement rapide, voire une réaction en quelques minutes, de la règle de l’unanimité requise – notamment en Allemagne, où le statut de protectorat garantit la morale pacifiste, et où l’armée est contrôlée par le Bundestag. Combien de jours l’indispensable concertation, quelle durée la délibération préalable ? Exigera-t-on d’un soldat polonais d’exposer sa vie au Mali, ou d’un Français de se battre à mort en Lettonie ? Mourir pour l’Europe quand mourir pour sa patrie n’est déjà pas une idée très courante ?

    Les professionnels ont beau jeu de répondre que l’armée européenne existe déjà, qu’elle s’appelle l’OTAN et que l’interopérable est made in USA. Il s’agit donc en fait de partager le fardeau, non la décision bien sûr, vu que Washington, et on peut le comprendre, trouve injuste de payer 70 % des frais de l’Organisation, et ne voit pas pourquoi 28 pays prospères pourraient se la couler douce avec un budget cumulé de 200 milliards d’euros, quand le sien est de 700 milliards. Le deuxième pilier de l’OTAN, évidemment, nos atlantistes le recherchent depuis un demi-siècle, mais pourquoi une Armée sécessionniste, quand presque tous les systèmes d’armes, d’alerte, de détection et de communication déjà en usage proviennent d’outre-Atlantique ? Le Boss a pu faire cracher au pot, en 2003, la « nouvelle Europe » pour subvenir aux frais d’occupation de l’Irak, mais peut-on envisager que la même accepte de payer pour les interventions de la France en Afrique ? Tout indique qu’il n’est pas dans ses vues de lâcher la proie pour l’ombre – un système établi et fort, pour un autre incertain et faible, risquant, précise-t-on, de saborder la première.

    Penser la guerre sur le modèle économique, c’est concevoir l’Armée comme un outil (de défense), quand il s’agit d’une Institution, dont les valeurs ne sont pas celle d’une entreprise (qui peut, contrairement à un pays, disparaître et se remplacer). Un soldat n’est pas un ouvrier spécialisé. Ce qu’une culture du résultat peut demander à des Préfets – « j’attends de vous que vous soyez des entrepreneurs de l’État » –, elle ne peut pas le demander à des combattants qui mettent leur vie en jeu. Le manager veut de l’efficace mais en remplaçant l’illusion lyrique par l’illusion entrepreneuriale, il retombe malgré lui dans de l’inopérant. « La guerre, comme chacun sait depuis Clemenceau, est une chose trop sérieuse pour être laissée aux militaires. » Trop sérieuse aussi pour être laissée à des inspecteurs des finances qui n’ont jamais tiré un coup de fusil. Le fonctionnel, en ces matières comme en d’autres, pour devenir opérationnel, doit inclure l’existentiel. On ne doute pas que notre présent président soit averti de ce porte à faux, envisager les problèmes de l’extérieur, sous l’angle utilitaire, quand la guerre, pour les humains qui doivent la faire, est toujours une question d’expérience, de motivation et de conviction, mais il n’est pas sûr que le public auquel il s’adresse, déshabitué de ces choses, en soit toujours conscient.

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    Régis Debray - Tracts (N°1) - L'Europe fantôme.

     

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