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  • Au bistro de la Toile : « Allo, à l'eau... »

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    - … teng ! Je peux plus arroser mon jardin Loulle. Interdiction préfectorale. D’ici qu’ils t’empêchent de mettre un peu de flotte dans ton pastaga, y a pas loin !

    - Pourtant Victor, moi l’eau je n’en abuse pas, je la respecte. D’ailleurs je n’en bois jamais et pour ma toilette je pratique le nettoyage à sec : je me gratte !

    - Je retrouve bien là ton grand sens civique Loulle. Pourtant la France et l’Europe souffrent d’une succession de vagues de chaleur intense. Il y a un rationnement de l’eau dans certains départements, dont le nôtre, et des risques d’incendie dans de nombreux endroits. Les grandes villes comme Paris souffrent de températures records jamais enregistrées auparavant et la consommation d’eau ne fait qu’augmenter. D’autre part, les glaciers fondent à une vitesse croissante et l’eau devient de plus en plus rare. Les ressources en eaux souterraines, dont beaucoup d’eaux fossiles, constituent une réserve importante pour l’avenir et devraient rester intactes. Mais la cupidité des sociétés de mise en bouteilles fait qu'elles acquierentt de plus en plus de sources d’eau. Regarde dans les grandes surfaces la file des imbéciles qui achètent à prix d’or de la flotte embouteillée dans du plastique alors que celle du robinet est plus saine et quasi gratuite. La situation est la même partout sur la planète : les eaux non polluées restantes sont de plus en plus entre les mains de quelques entreprises.

    - C’est vrai. J’ai lu quelque part que dans la ville de Vittel la situation est absurde : des études effectuées par des agences du gouvernement français indiquent que l’aquifère duquel la population de Vittel puise son eau et où Nestlé collecte également des bouteilles d’eau sous le nom de « VITTEL » risque de s’épuiser. L’aquifère n’est pas en mesure de répondre aux demandes à long terme de la population locale et de la société d’embouteillage de Nestlé. Et qu’est-ce qu’ils ont trouvé, les têtes d’œuf du gouvernement ? La solution proposée par les autorités françaises : construire un pipeline d’environ 50 km de long pour chercher de l’eau dans une région voisine de Vittel afin de répondre aux besoins de la population, ceci pour laisser Nestlé libre d’exploiter à son seul profit et au détriment des populations locales les eaux de l’aquifère de Vittel !

    - Si de tels problèmes se produisent en France, on imagine ce qui doit se peut arriver dans des pays beaucoup plus fragiles dans leur organisation sociale et politique ! On touche là du doigt la privatisation de cette ressource essentielle qu’est l’eau. Le secteur des entreprises transnationales s’organise et s’articule très consciemment à divers niveaux de gouvernement pour faire en sorte que ses demandes et ses propositions politiques soient satisfaites.

    - Eh ! Les lobbies de la flotte font la loi, inspirent les lois. Nationales mais aussi internationales.

    - Tu crois pas si bien dire Loulle. En février dernier, le Gouvernement suisse a annoncé la création d’une fondation à Genève, dénommée « Geneva Science and Diplomacy Anticipator » (GSDA). L’objectif de cette nouvelle fondation est de réglementer les nouvelles technologies, des drones aux voitures automatiques, en passant par le génie génétique. Cette Fondation doit « anticiper » les conséquences de ces avancées pour la société et la politique. La Fondation sera également un pont entre les communautés scientifique et diplomatique, d’où son positionnement stratégique à Genève, qui abrite plusieurs organisations internationales, des Nations Unies à l’Organisation mondiale du commerce. En fait cette « fondation » est un puissant lobby inspiré et dominé par Nestlé, l’une des principales multinationales de l’alimentaire et en particulier de l’eau. Société suisse. Le président de cette nouvelle fondation n’est autre que l’ancien PDG de Nestlé, le ci-devant Peter Brabeck-Letmathe. Le vice-président est Patrick Aebischer, ancien président de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). Or il se trouve que le ci-devant Patrick Aebischer est également membre du comité directeur des sciences de la santé Nestlé depuis 2015, créé en 2011 par Nestlé et situé sur le campus de l’EPFL. Le choix de Peter Brabeck est un exemple du "partenariat" toujours plus étroit entre les gouvernements et les grandes entreprises transnationales, qui a conduit à la création d’une oligarchie des entreprises internationales qui prend progressivement le pouvoir au sein des démocraties occidentales. Le choix de Brabeck de présider cette Fondation indique que le but réel de cette initiative est précisément d’empêcher toute forme de réglementation gouvernementale susceptible de limiter les bénéfices tirés des avancées technologiques du secteur privé. L’objectif principal de ce genre de « fondation » - comme celles de Bill Gates et autres milliardaires soi-disant altruistes - est de défendre et de soutenir le secteur privé. Ce que l’on peut attendre de cette fondation, ce sont des propositions « d’autorégulation du secteur privé » dans les cas de conflits trop explicites. Ben voyons, on va les croire…

    - Eh oui Victor. Ces « fondations » représentent une menace énorme pour la démocratie. Allez, buvons un coup pour oublier. Mais pas de l’eau, fait l’économiser : du rosé de Tavel bien frais.


    Illustration: merci au regretté Chimulus

  • « Groenland ? How much ? I buy… »

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    Ce n’est pas une trumpade ordinaire, c’est une proposition réfléchie, récurrente chez les dirigeants de l’Empire. Dès 1867, les États-Unis voulaient racheter l’immense territoire, grand comme quatre fois la France. En 1947, une nouvelle offre sera faite sans succès, mais les États-Unis obtiendront d’y établir des bases militaires.

    En 1941, en pleine guerre mondiale, le Danemark autorisa son allié américain à implanter des bases aériennes au Groenland, à Thulé notamment. Accord renforcé dans le cadre de l’Otan en 1951. Le Danemark ne prit pas la peine de consulter la population locale pour donner son feu vert à l’agrandissement de la base aérienne américaine, et ordonna en mai 1953 le déplacement des autochtones de Thulé, une petite communauté inuite vivant de la chasse et de la pêche traditionnelles. Les 187 représentants du peuple le plus septentrional au monde furent contraints de quitter leurs terres et leurs glaces millénaires en quelques jours pour s’exiler à Qaanaaq, à 150 kilomètres au nord. Allez, dégagez les sauvages ! Place aux grands et beaux Yankees ! Ils ne recevront un dédommagement ridicule qu’en 1999.

    Cette base est un des maillons du bouclier antimissile étasunien mais aussi un maillon important de la chaîne de radars du NORAD (prévue pour détecter les éventuels tirs de missile balistiques venant d’Eurasie) depuis le début de la guerre froide, et une station de surveillance de satellites de l’Air Force Space Command. La base militaire, transformée en secret en base pour bombardiers stratégiques, devint une véritable enclave de l’armée yankee, accueillant des milliers de militaires. En 1959, la base de Thulé fut la principale base de soutien pour la construction du Camp Century à quelque 150 miles de la base. Creusé dans la glace, Camp Century était une base militaire souterraine visant à héberger des missiles nucléaires le plus près possible de l’URSS. Alimenté par un réacteur nucléaire transportable, il fut en fonction entre 1959 et 1967.

    Les joyeusetés étasuniennes de ce genre ont été légion au Groenland. Ainsi Le 21 janvier 1968, un B-52 transportant quatre bombes nucléaires – bombes à hydrogène, pas des petits pétards genre Hiroshima - s’écrasa près de la base de Thulé. Trois se pulvérisèrent sur la banquise entraînant une contamination radioactive. Une, tombée en mer n’a jamais été repêchée…

    Les États-Unis et le Danemark lancèrent une importante opération de nettoyage, réquisitionnant à coups de pied au cul pour cela des Inuits qui ont été exposés aux radiations. Nombre d’entre eux sont morts des suites de leur contamination tandis que d’autres ont développé des maladies plusieurs années après l’accident. Après cet événement, ajouté au déplacement de population lors de l’extension de la base, on se doute de « l’amour » des Inuits vis-à-vis des Étasuniens.

    Et ce n’est pas tout. En 2003, Greenpeace dénonce un rapport des USA truqué sur les déchets de la base de Thulé classé secret, sur des dépôts de déchets chimiques et de métaux lourds.

    Bref n’en jetez plus, la coupe est pleine. Pleine ? Pas tant que ça. Le réchauffement climatique et la fonte accélérée des glaces arctiques donnent un regain d’intérêt pour ces territoires de l’Arctique. Désormais, deux autres puissances – et non des moindres – entrent dans la danse. La Russie veut un contrôle militaire sur le Grand Nord et la Chine y voit une immense opportunité économique.

    À la faveur du réchauffement climatique, de plus en plus de côtes et de sols sont libérés des glaces. Et ces zones libres sont des eldorados car le territoire serait très riche en matières premières. On y trouve du nickel, du cuivre, du calcaire, de l’or… Mais surtout, le Groenland posséderait les deuxièmes réserves mondiales de terres rares, en particulier du neodymium, praseodymium, dysprosium et terbium. Autant de matériaux indispensables aux voitures électriques, aux téléphones portables, aux éoliennes…

    Aujourd’hui 90 % de la production des terres rares est aux mains de la Chine, qui, à tout moment, peut ajuster ou tarir ses exportations. Ce qui fait frémir les États-Unis et de nombreuses économies à travers le monde. Au-delà de ces matières premières, le contrôle du Groenland offre aussi la maîtrise des routes maritimes dans l’océan Arctique de plus en fréquemment libéré des glaces.

    Ce que le grossier mercanti étasunien veut faire en proposant d’acheter le pays, comme au plus beau temps de la colonisation, les Chinois le font plus subtilement : la Chine est au capital de la plus grande entreprise minière de la région : "Greenland Minerals"et, dans le cadre de ses « nouvelles routes de la soie », elle est désireuse d’investir dans les infrastructures de transports groenlandais, en particulier les aéroports.

    Autre volet du regain d’intérêt pour ces « arpents de neige », le développement futur du « passage du Nord » pour les navires, raccourcissant considérablement le coût des transports entre l’aire Pacifique et l’aire Atlantique.

    Et nous là-dedans ? Le Danemark – pays le plus impliqué au Groenland – est en Europe que je sache. Alors on regarde passer le train ?



    Sources :

    https://www.novethic.fr/actualite/environnement/ressources-naturelles/isr-rse/les-etats-unis-veulent-s-emparer-du-groenland-tout-comme-la-chine-et-la-russie-147605.html

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Base_a%C3%A9rienne_de_Thul%C3%A9

    https://www.huffingtonpost.fr/entry/groenland-trump-achat-terres-rares_fr_5d567480e4b0d8840ff15958


    Photo X - Droits réservés



  • Ramdam autour de deux ministres à la corrida : Horreur ou hypocrisie ?

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    Les ministres Jacqueline Gourault et Didier Guillaume ont assisté à une corrida avec le maire de Bayonne Jean-René Etchegaray. Et voilà qu’à l’initiative de la « Fondation Brigitte Bardot » - oui, cette ex sex symbole recyclée dans la défense des bestiaux qui en d’autres temps a fait couper les couilles de l’âne que son voisin lui avait confié ! - un ramdam qui ronfle, qui gonfle et qui éclate en violentes salves de konneries.

    On peut tout critiquer, bien sûr, mais on est arrivé à un point où la moindre adhésion, le moindre soutien, la moindre idée défendue déclenche des salves d’indignation où, la main sur le cœur, drapée dans leur dignité de pacotille, les bien-pensants vouent aux gémonies et réclament à cor et à cri les foudres de la loi contre tout ce qui n’est pas édulcoré, uniformisé, castré.

    Hypocrisie, faux-cultisme que tout cela. Bienvenue dans le monde du propre, de l’inodore, du sans saveur. Bienvenue aux troupeaux de con-sommateurs bêlant dans les temples de la con-sommation que sont les centres commerciaux où la viande ne ressemble plus à un morceau d’animal.

    C’est le couille-mollisme triomphant où la sensiblerie tient lieu de morale. Mais où sont-ils les Occidentaux conquérants, triomphants partout dans le monde, inventant l’avenir, apportant la liberté, combattant le crétinisme religieux, donnant tous ses droits à l’Humain ? Donnant aussi – ne soyons pas angéliques - la mort, l’esclavage, le génocide. Donnant au monde Pasteur, Fleming, Newton, Descartes, Einstein, Mozart, Verdi, Léonard de Vinci, mais aussi Hitler, Staline, les Inquisiteurs, la bombe d’Hiroshima.

    Comme il serait heureux de croire que la corrida est le dernier bastion de la barbarie ! Que l’éradiquer marquerait la fin d’une époque sanguinaire à jamais révolue. Tè ! Fume…

    La mort est toujours là mais on la nie. Le sang coule partout mais on le cache. Tous les animaux de nos belles campagnes – cochons, moutons, vaches, chevaux, poules, etc. finissent leur vie à l’abattoir. Et même des milliers de chien-chiens euthanasiés chaque année. Mais chut, faut pas le dire, faut le cacher. La corrida, elle, nous montre tels que nous sommes. L’Humain - moi, toi, lui, nous – est vraiment un drôle d’animal. Une sale bête…

    Les gradins de la Plaza de toro de Bayonne sont garnis jusqu’au sommet d’une foule aux couleurs excessives. Sous un soleil excessif. Pour trembler, hurler, s’enthousiasmer, applaudir, haïr de manière excessive devant un spectacle excessif.

    Un rituel ancestral codifiant le combat de l’homme et du dieu Mithra. La corrida. Transcendée ou honnie, elle est une des expressions de la civilisation du Sud. Mais reste imperméable à la compréhension des gens « du Nord »

    A las cinco de la tarde…

    Symboliquement, c’est le combat de l’homme et de la femme. Combat toujours perdu par l’homme.

    L’homme, ici, c’est le toro, sa puissance brute, son courage insensé, ses charges désordonnées. La beauté de la force.

    La femme, c’est le torero. Léger, aérien, si féminin dans son allure et ses attitudes. Opposant à la force l’intelligence, l’esquive, le leurre. La beauté.

    Au centre du cirque, sous dix mille paires d’yeux, il y a un homme.

    Une « danseuse » dit Cabrel qui n’a manifestement jamais vu l’œil d’un toro de près. Et un monstre mythique. Six cents kilos de force brute, de bravoure, de volonté de détruire tout ce qui s’oppose à lui.

    Des deux, un seul sortira vivant. Et ce sera, presque toujours, l’homme. L’animal n’a jamais sa chance. C’est vrai. Combat inégal, certes, mais où l’homme risque toujours sa vie. Où son existence est suspendue à une erreur, une inattention. Où il frôle constamment la cogida, la blessure, le désastre, la mort.

    On est là. Assis. Pétrifié par une attention insupportable. Tous nos sens tendus vers le ballet de mort qui se déroule à quelques dizaines de mètres.

    Ambiguïté de l’homme : on tremble pour le torero mais on sent pourtant monter, malgré tous les barrages de la civilisation, depuis les tréfonds cachés de notre personnalité, l’angoisse mais aussi quelque chose de moche, de sale : l’espoir honteux de la victoire du toro, de la défaite et du massacre de l’homme. Le dompteur mangé par le lion…

    La corrida, c’est du sang, de la peur, de la violence.

    C’est la mort toujours présente. Fascinante et répugnante. Appelée et rejetée.

    La corrida, c’est beau et obscène. Grandiose et pervers.

    Comme la vie. Comme la mort.



    Codicille : pour mieux juger de cet art éphémère, comme la danse, allez voir cette faena époustouflante de Sébastien Castellas aux Saintes-Maries-de-la-Mer où le toro – formidable – a été gracié et a regagné le toril sous les applaudissements de milliers d’aficionados debout :

    http://www.corrida.tv/rubriques/actualites/index.asp?id=3682


    Illustration: merci à Picasso (le peintre génial, pas la voiture)