Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Au bistro de la toile : plein de « Beyrouth » potentiels en France.

    nitrate d'ammonium

     

    - Tout de même, Victor, on les aime bien nos amis Libanais, mais ce sont des branques de stocker des milliers de tonnes d’un explosif dangereux comme de, comment ils disent « nitrate d’ammonium », en pleine ville, dans un port, dans un simple hangar fermé par un cadenas à 10 balles. C’est pas chez nous que ça arriverait !

    - Ben voyons ! Et la catastrophe de l’usine AZF de Toulouse, en 2001, t’as oublié ? T’était pourtant pas en culotte courte à cette époque Loulle. Tè, je vais te rafraichir la mémoire. Le 21 septembre 2001 — soit 10 jours après les événements du 11 septembre à New-York— à 10 h 17, un stock d’environ 300 à 400 tonnes de nitrate d'ammonium déclassé destiné à la production d’engrais a explosé creusant un cratère de forme ovale de 70 m de long et 40 m de largeur, et de 5 à 6 m de profondeur. La détonation a été entendue à plus de 80 km de Toulouse. Un séisme de magnitude 3,4 a été enregistré. Le bilan officiel fait état de trente et un morts. La partie sud-ouest deToulouse a été ravagée. Le site AZF lui-même est soufflé. À proximité, les zones commerciales de Darty et Brossette sont totalement détruites. Cent cinquante bus de la SEMVAT, la société de transport public toulousain de l’époque, sont également détruits dans l’entrepôt de Langlade situé en face de l’usine. De très nombreux logements, plusieurs entreprises et quelques équipements (piscines, gymnases, salles de concert, lycée Déodat-de-Séverac) ont été touchés. Les dégâts (murs lézardés, portes et fenêtres enfoncées, toitures et panneaux soufflés ou envolés, vitres brisées, etc.) ont été visibles jusqu’au centre-ville. Parmi les équipements publics touchés, on peut citer le grand palais des sports (entièrement démoli (Wikipéda). Et il n’y avait que 400 tonnes de cette merde, contre 2750 tonnes à Beyrouth !

    - Mais ça sert à quoi cette merde, Victor ?

    - Ben, à faire pousser le maïs, les prairies pour que les vaches se gavent et pètent et la plupart des cultures industrielles chères à nos agriculteurs « conventionnels » et à leur syndicat, la toute puissante FNSEA.

    - Ça se présente comment ce truc ?

    - Ce sont des petits granulés blancs. Ils sont livrés aux paysans dans de grandes saches de plastique tissé de cinq à six cents kilos. Les paysans les stockent dans leurs étables, les coopératives agricoles et les distributeurs les stockent dans de simples hangars. La France est le premier consommateur européen de ces substances. Pourtant, bien qu’ardemment soutenus par les défenseurs du productivisme dans l’agriculture, les engrais chimiques sont en réalité un véritable fléau pour notre environnement et notre santé : ils nécessitent d’énormes quantités d’énergies fossiles pour leur fabrication et contribuent fortement à la crise climatique, ils sont à l’origine de pollutions de l’eau comme le phénomène des algues vertes qui pourrissent la vie des Bretons mais aussi de pollutions de l’air en favorisant l’apparition de particules fines.

    - Enfin Victor, un produit aussi dangereux doit être assujéti à des précautions sérieuses, non ?

    - Les risques associés à leur fabrication sont régulièrement mis en avant. En France, les sites de production utilisant des nitrates d’ammonium sont classés Seveso seuil haut, tout comme l’était l’entreprise Lubrizol...qui a tout de même brulé à Rouen. Pour autant, on dénombre de multiples mises en demeure de l’Etat à l’encontre des producteurs d’engrais chimiques qui s’affranchissent tous des réglementations en vigueur. Ils s’en branlent de l‘Etat qui leur fait les gros yeux ! Tiens, écoute ce qu’en dit Anne-Laure Sablé, chargée de campagne agriculture aux Amis de la Terre : « Le leader mondial des engrais Yara, implanté dans les régions du Havre, de Saint-Nazaire ou encore de Bordeaux, a ainsi fait l’objet de pas moins de 11 mises en demeure depuis 2015 ! Comment ne pas s’inquiéter d’un stockage de 20 000 tonnes de nitrates d’ammonium à Ambès, à proximité de Bordeaux par une multinationale qui ne respecte pas la réglementation et pour laquelle l’État fait preuve de largesses? »

    Et puis je vais te dire Loulle. Ce qui vient d’arriver à Beyrouth, ça s’est passé aussi chez nous. On a fait mieux à Brest le 28 juillet 1947, avec l’explosion de 3 133 tonnes de nitrate d'ammonium. Des bricoleurs, ces Libanais. Ce jour-là, un incendie se déclare à bord d’un cargo, l’Ocean Liberty. Or ce bateau transportait des tonnes et des tonnes de nitrate d’ammonium. Je suis allé chercher mes infos là.

    - Fatche ! On vit dangereusement Victor.

    - Tu crois pas si bien dire. De cette merde, Il y en a partout : en grande quantité dans les entrepôts des usines ou des ports mais aussi dans les coopératives agricoles, dans les fermes et sur les bateaux ou sur les routes où les risques d'incendie ne sont pas négligeables.

    - Bon, tout ça, Victor, ça me donne soif.

    - Allez, mastroquet de mon cœur, met ma tournée. Et du rouge !


    Illustration: merci au regretté Chimulus



  • Alors cette nouvelle « Nuit du 4 août », ça vient ?

    nuit 4 aout couilles en or.jpg

     

    La nuit du 4 août, quèsaco ? Une pluie d’étoiles filantes ? Une grande bringue durant toute la noye ? Et non, c’est un événement fondamental de la Révolution française, puisque, au cours de la séance qui se tenait alors, l’Assemblée constituante met fin au système féodal. C’est l’abolition de tous les droits et privilèges féodaux ainsi que de tous les privilèges des classes, des provinces, des villes et des corporations. Les privilégiés eux-mêmes surenchérissaient pour abandonner leurs avantages. De gaieté de cœur ? Par altruisme révolutionnaire ? Té, fume… Parce qu’ils crevaient de trouille !

    Depuis la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 s’est développé en France, notamment dans les campagnes, une vague de révoltes appelée la Grande Peur. Dans certaines régions, des paysans s’en prennent aux seigneurs, à leurs biens et à leurs archives, en particulier les livres terriers qui servent à établir les droits seigneuriaux. La nuit du 4 août est une réponse à cette insurrection.

    Alors, finis les privilèges ? Disparus les privilégiés ? Eh ! Oh ! Puis quoi encore…

    On est toujours le privilégié de quelqu’un. Les plus précaires des salariés trouveront exorbitants les « avantages » des fonctionnaires. Et ainsi de suite en cascade. On daube sur l’utilisation des fonds publics engloutis dans le train de vie dispendieux d’une administration bureaucratique et pléthorique, sur les « profiteurs de l’État ». L’État obèse, la redistribution en panne, les privilèges du statut de la fonction publique : tout cela, bien sûr, existe et conduit à d’incontestables gabegies. Mais énoncés en boucle, caricaturés à l’infini, ces slogans convenus finissent par tenir lieu d’unique évidence, de vérité révélée.

    Mais les privilégiés, les vrais, ce n’est pas là qu’il faut les chercher.

    Ernest-Antoine Seillière, multimillionnaire qui mena en son temps le Medef « flamberge au vent » aurait-il eu ce destin si, en 1978, le gouvernement Barre n’avait nationalisé les usines sidérurgiques de sa famille, alors en pleine déconfiture ?

    Bernard Arnault aurait-il pu prendre place sur le trône de « roi du luxe » si, en 1984, le gouvernement Fabius ne lui avait livré sur un plateau la maison Christian Dior, joyau d’un empire Boussac sous tutelle étatique ?

    Jean-Luc Lagardère aurait-il pu devenir le chef d’escadrille de l’aéronautique européenne si, en 1999, le gouvernement Jospin ne lui avait cédé à prix d’ami, et au nom de la raison d’État, le manche d’Aérospatiale, des Airbus et de la fusée Ariane ? Empire que sa descendance ruine avec constance et application d’ailleurs.

    En toile de fond de ces questions, il y a toujours l’argent public, celui des Français, celui de leurs impôts. La règle est toujours, quelle que soit la couleur des gouvernements, de privatiser les gains et de socialiser les pertes.

    Les nouveaux privilégiés, il faut les chercher dans un favoritisme d’état entretenu par la connivence entre les élites et protégé par l’ignorance des citoyens. Élites sorties du même moule, des mêmes écoles, reproduisant des privilèges familiaux comme autrefois les nobles et le clergé, se cooptant dans les conseils d’administration.

    Cheville ouvrière (si l’on peut dire !) de cette fabrique de privilégiés, le « pantouflage ». Le pantouflage est le fait de passer du secteur public au secteur privé. À l’origine, cette expression est utilisée par les polytechniciens. En effet, dans le jargon de l’École polytechnique, il y a ceux qui choisissent "la botte", c’est-à-dire le public, et ceux qui choisissent "la pantoufle", le secteur privé. Mais ce pantouflage se complète aussi, souvent d’un « retro-pantouflage ». On appelle ça encore « les portes tournantes ».

    Tenez, par exemple not’bon Président ! Inspecteur des finances, donc ayant fait des études payées par nos impôts (chaque année de scolarité à l’École nationale d’administration (ENA) revient à 83 000 € par étudiant), il est parti « travailler » dans le privé, à la banque Rothschild, avant de revenir et d’être nommé secrétaire adjoint de l’Élysée, puis ministre de l’Économie et aujourd’hui président de la République ! Ça c’est de la pantoufle ! Le Docteur Jeva peut aller se rhabiller

    Autrefois, vous pouviez décider de servir l’État parce que vous vouliez avoir le pouvoir, puis vous alliez dans le privé parce que vous vouliez l’argent. Le salaire d’un inspecteur des finances passant de Bercy à la banque est multiplié par dix. Aujourd’hui, vous pouvez avoir le beurre et l’argent du beurre, dans un temps très réduit, et en plus vous farcir la crémière…

    La crémière, on la retrouvait sur les ronds-points, avec les Gilets jaunes, ces sans-culottes modernes.

    Et qu’est-ce qu’elle demandait, la crémière, mais aussi l’artisan, le petit commerçant, le retraité, le petit fonctionnaire, le chômeur, l’ouvrier, l’employé précaire ? Qu’est-ce qu’elles demandent les aides-soignantes, les auxiliaires de vie, les infirmières, les toubibs, les éboueurs, les chauffeurs routiers, les « hôtesses de caisse » qui ont risqué leur vie pour faire tourner le pays ? Pas des privilèges, non, simplement un peu de justice, d’équité, de considération. Et des salaires décents.

    En 1789, les privilégiés ont accepté l’abandon de leurs privilèges parce qu’ils avaient la paille au cul ! Ils crevaient de trouille ! Faudra-t-il susciter de nouvelles "Grandes Peurs » pour qu’une nouvelle « Nuit du 4 août » survienne ?

    Ah ! Ça ira, ça ira, ça ira…



    Octidi 18 Thermidor 228

     

    Photo X - Droits réservés