« On ne protégera pas les Européens si on ne décide pas d’avoir une vraie armée européenne. Face à la Russie qui est à nos frontières et qui a montré qu’elle pouvait être menaçante […] on doit avoir une Europe qui se défend davantage seule, sans dépendre seulement des États-Unis et de manière plus souveraine ». (lien)
Il lui arrive de rouler des épaules à not’bon président (lien), mais il est bien seul. Enfin, il était bien seul mais les choses semblent bouger. En effet, cette idée de défense européenne est reprise par le social-démocrate espagnol Josep Borrell nommé Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Pour lui, l’Europe doit « renforcer son autonomie stratégique, mieux gérer ses capacités et nous protéger efficacement » si elle veut pouvoir exploiter pleinement les opportunités qu’offrirait une nouvelle ère de partenariat entre l’UE et les États-Unis dans l’après-Trump. N’a-t-il pas déclaré que l’UE devait apprendre « le langage du pouvoir » et défendre activement ses intérêts, sur le plan diplomatique comme militaire ! Un langage de fermeté qu’on n’a pas l’habitude d’entendre dans la bouche des hauts responsables européens ! Pour passer des paroles aux actes, l’Espagnol milite pour le déploiement de soldats en Libye, et ne serait pas non plus opposé à un renforcement de la présence militaire européenne dans le Sahel. « L’ère de l’Union européenne conciliante, quand ce n’est pas naïve, a vécu », a écrit le chef de la diplomatie européenne dans le journal allemand Die Welt. « Le soft power vertueux ne suffit plus dans le monde d’aujourd’hui. Il faut y ajouter une dimension de hard power. » (lien)
Seulement voilà : Les décisions de politique extérieure requièrent l’unanimité des 27 États membres, tandis que le recours à l’armée reste du ressort des gouvernements nationaux. Il existe bien les « Battlegroups », des troupes de combat européennes. Il s’agit de deux dispositifs militaires composés de 1 500 soldats chacun, qui sont mis à la disposition de l’UE afin de lui permettre de réagir rapidement à d’éventuelles crises. Ces bataillons sont équipés de matériel lourd comme des chars et des hélicoptères de combat, et sont dirigés pendant six mois par une nation cadre. Ces troupes « européennes » ne sont jamais intervenues en l’absence d’accord politique quasi impossible avec la règle de l’unanimité entre les 27 membres de l’UE.
« L’Europe, combien de divisions ? » pourrait-on dire en paraphrasant un terrible moustachu célèbre. Ben, trois mille soldats pas aguerris du tout. Alors que l’Europe compte environ 1,4 million de soldats actifs, soit autant que les États-Unis, plus que l’armée russe (1,1 million) ou celle de la Corée du nord (1,2 million), mais sensiblement moins que l’armée chinoise (2,2 millions).
Les choses bougent disions-nous. En effet Manuel Macron et Josep Borrell ont reçu du soutien de la part des socio-démocrates allemands. « La situation géopolitique et les valeurs européennes obligent l’UE à assumer un rôle actif en matière de politique de sécurité » qui ajoutent que dans les situations de crise « la Commission dépend encore trop de la volonté des uns et des autres ». L’heure serait donc venue « de franchir un pas courageux vers la création d’une armée européenne ».
Les experts en politique de défense du SPD proposent la création d’une « 28e armée » : Plutôt que de se concentrer sur le développement de la coopération entre les 27 armées nationales, une armée propre serait ainsi créée, en parallèle des troupes nationales. La 28e armée serait directement soumise à la Commission et placée sous la responsabilité d’un nouveau Commissaire à la défense. Le contrôle politique serait assuré par un Comité de défense du Parlement européen, les eurodéputés décideraient ainsi du déploiement des troupes à la majorité simple sur proposition de la Commission.
Le SPD, dans ce rapport appelle à un « élan révolutionnaire pour stimuler le processus évolutif » de création de l’armée européenne. Dans un premier temps, cette « 28e armée » aurait des capacités opérationnelles limitées mais elle pourrait, en évoluant, « assumer de nombreuses missions des forces armées nationales dans les domaines de l’armée de terre, de la marine, de l’aviation et de la cybersécurité, et ainsi déboucher sur une véritable armée européenne ». Le rapport conclut en soulignant qu’en l’absence d’un tel projet, la seule alternative serait d’accepter que l’Europe continue de pâtir de son impuissance en matière de politique de sécurité.
Ben dis donc! Ils relèvent le casque nos cousins germains!
Une armée, mais contre quel ennemi ? Macron désigne le Russe, pas l’Islamiste ! Lorsqu’il évoque ces « puissances autoritaires qui réémergent et se réarment aux confins de l’Europe », il ne cite pas la Turquie d’Erdogan, qui étend son action belliqueuse jusqu’à nos portes mais « la Russie, qui a démontré qu’elle pouvait de nouveau se montrer menaçante ».
Les Russes sont comme les autres, ils ont peur de la guerre et ils vont tout faire pour l’éviter. La dernière leur a coûté plus de 28 millions de morts… Mais ils sont aussi prêts s’il faut la faire. Ceci est une caractéristique culturelle russe unique, que l’Occident a mal interprétée un nombre incalculable de fois au cours des 1 000 dernières années. Maintes et maintes fois, les Européens ont attaqué la Russie pour se retrouver dans un combat qu’ils n’auraient jamais imaginé, même dans leurs pires cauchemars. Napoléon et Hitler y ont creusé leurs tombeaux. Voilà pourquoi les Russes aiment à dire que « la Russie ne commence jamais les guerres, elle les termine ».
Pourtant, la Russie est évidemment européenne. De Gaulle ne parlait-il pas de « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural » ? Elle est européenne par la géographie, par la population, par la (les) religion(s), par la civilisation, par l’histoire. Cette grande nation a donné au monde les écrivains Pouchkine, Tolstoï, Dostoïevski, mais aussi les musiciens Borodine, Rimski-Korsakov, Moussorgski, Rachmaninov, Tchaïkovski, mais encore Mendeleïev, génie de la physique qui a réalisé la classification des éléments de la nature, etc., etc. et - cerise sur le vatrouchka – c’est le pays qui a envoyé le premier homme dans l’espace. C’est une civilisation jumelle, imbriquée depuis toujours à la nôtre. Ils connaissent nos penseurs, nos artistes, nos idées. Ils ont parlé français dans les hautes sphères pendant deux siècles.
Une armée européenne ? Oui, enfin. Mais encore ne faudrait-il pas se tromper d’ennemi.
Sinon le « 28° armée » risque de se perdre comme la fameuse « 7° compagnie ».
Sources :
https://www.liberation.fr/direct/element/macron-propose-une-vraie-armee-europeenne_89551/
https://www.lefigaro.fr/international/bientot-une-armee-europeenne-20201120
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