Le chevreau aux herbes fines
Quelques jours avant Pâques, lorsque j’étais minot
Mon père achetait, chaque année, un chevreau.
Attaché dans la cour en attendant la fête,
Qu’il soit noir, blanc ou brun, il l’appelait « Blanquette ».
Nous, nous le caressions, lui donnions à manger
Epluchures, salades, déchets du potager,
Et le bestiaux bêlait, pleurait à fendre l’âme
Comme s’il devinait son destin sous la lame.
Puis un soir arrivait, perché sur son vélo,
Armé de ses couteaux, le terrible Angelo !
Casquette de côté, poilu, rouquin et borgne
C’était un Espagnol venu de Catalogne.
Le père maitrisait le chevreau sur le banc,
Mon frère et moi tenions les pattes en tremblant
Et le chevreau criait, soufflait comme une forge
Tandis que le tueur, sûr, lui tranchait la gorge.
Quelques brefs soubresauts de la pauvre bestiole
Marquaient les derniers pas d’une vie qui s’envole.
Puis, s’essuyant les mains, le terrible Angelo
Sortait de son carnier la valve de vélo.
Alors, perçant la peau du chevreau sur le râble,
Il y introduisait l’accessoire cyclable,
Mon père alors avec la pompe à bicyclette
Gonflait, gonflait, gonflait, gonflait la bête.
La peau se décollait. On pendait le bestiaux
On espuyait la peau, on sortait les boyaux…
Souvenirs, nostalgie…Allez ! A la cuisine !
La chevrette, pour Pâques, sera viande divine.
Sur la plaque du four, mettez les deux cuissots
A dorer vingt minutes sur de l’huile des Baux.
Dans une casserole, fondez du lard fumé
Avec des échalotes et de l’ail écrasé,
Ajoutez du vin blanc, plutôt sec, un demi,
Lorsque tout cela bout, ajoutez thym, persil,
Basilic, coriandre, ciboulette, estragon
Mijotez dix minutes, et buvez un gorgeon.
Sortez le plat du four, salez, poivrez la viande,
Arrosez-là avec la sauce précédente,
Puis remettez au four pour cinquante minutes
Cent-quatre-vingt, pas plus. Vous touchez presque au but.
Arrosez très souvent, que la viande s’imprègne.
Attention toutefois, il faut pas que ça baigne.
Découpez, saupoudrez des herbes qui vous restent,
Citronnez puis servez sans faire le modeste !
Cessons pour aujourd’hui ce conte culinaire
Ma tripe est assoiffée, remplis ras bord mon verre
De ces nectars divins de la Coste-du-Rhône
Et laisse près de moi la coupe et la bonbonne !
Les ingrédients pour 8 personnes :
Les deux gigots d’un chevreau, - quatre cuillère à soupe d’huile d’olive (des Baux…ou d’ailleurs), - deux hectos de lard gras-, maigre fumé, - une bouteille de vin blanc sec (1/2 litre pour le chevreau, le reste pour le cuistot), - cinq échalotes, - cinq gousses d’ail, - une grosse poignée de persil haché, - autant de coriandre haché, - un bouquet de basilic, - ciboulette, - estragon, - thym émietté, - sel, poivre du moulin, - un citron. En accompagnement le chevreau accepte tout : haricots blancs, pommes de terre sarladaise, petit épeautre de Sault ou polenta.
Quand aux vins pour sublimer les saveurs de ce met pascal, il les faut plutôt légers, printaniers : les vins rouges de l’année, un « vin qui a fait ses Pâques », ayant six mois de bouteille. Vins de Loire, d’Anjou, Côtes-du-Ventoux, Coteaux-d’Aix par exemple.
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