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mort

  • Vive la MORT pour que triomphe la VIE !

     

    - Dis Victor, c'est Toussaint, ou le « Jour des Morts », je sais plus... Mais pourquoi il n'y a pas le Jour des Vivants ?

    - Bonne question Loulle. Mais on devrait plutôt dire le Jour des Nés. Parce que la mort n'est pas le contraire de la vie, mais l'opposé de la naissance. La mort et la naissance sont les deux faces, absolument indissociables et totalement complémentaires de la vie. Mais il y a un tabou sur la mort, qui est pourtant l'une des deux choses les plus importantes de l'existence, avec la naissance.

    On confond la mort avec l'image évidemment peu ragoûtante du mort, du « corps », de la dépouille comme disent les professionnels pour ne pas dire cadavre. Ça fait peur, c'est laid, ça pue. On l'occulte la mort, on voudrait la zapper, on en fait un concept abstrait. Les vieux, avant, ils « passaient » chez eux, comme dans la chanson d'Aznavour. Moi je me souviens de ma grand-mère. Toute la tribu était là. Et nous, les gosses, aussi. L'oncle Gus disait : « Ah ! Elle « ramasse » (pour dire que les mains de l'aïeule s'efforçaient maladroitement de remonter les draps). C'est le froid de la mort qui la prend...». Les angoisses ultimes, si vraiment elles existent, doivent être plus douces entourées de gens qui vous aiment… Maintenant, on crève seul à l'hôpital…

    Le problème, c'est qu'on a fait de la mort la représentation du mal, de la cruauté, de la barbarie… Et que les religions en ont fait leur fond de commerce pour terroriser puis manipuler les pauvres crétins qui « ont la foi ».

    - C'est vrai ça. Tè, c'est à vous dégoûter de mourir…

    - Qu'est-ce que la mort ? D'abord, c'est un phénomène inéluctable : il n'est rien qui ne naisse et qui ne meure pas un jour. C'est déjà suffisant pour en faire un événement parfaitement naturel, voire banal, absolument intégré dans le cours des choses. Écoutons ce qu'en disait Épicure, ce philosophe Grec de la joie de vivre : « Ainsi celui de tous les maux qui nous donne le plus d’horreur, la mort, n’est rien pour nous, puisque, tant que nous existons nous-mêmes, la mort n’est pas, et que, quand la mort existe, nous ne sommes plus. Donc la mort n’existe ni pour les vivants ni pour les morts, puisqu’elle n’a rien à faire avec les premiers, et que les seconds ne sont plus. »

    - C'est pas kon comme raisonnement. Mais enfin, on a le temps…

    - Le temps. Voilà le bon terme, Loulle : le temps. Naître, c’est entrer dans le temps ; mourir, c’est sortir du temps.

    - Finalement, la vie n’est autre que le temps qu’on met à mourir !

    - T'es un sage Loulle ! Tè, mets ma tournée. La mort est absolument indispensable à la vie. Notre corps, notre viande est faite de milliards de cellules qui meurent « de notre vivant » pour être remplacées par des cellules neuves ! Elle abrite et cohabite avec des milliards de bactéries indispensables à sa bonne marche, qui naissent, vivent et meurent. Notre barbaque pensante est donc « morte » plusieurs fois dans une vie.

    Et puis Loulle, l'antidote au cercueil, c'est le berceau ! Thanatos et Éros. Tout ce qui vit ne pense qu'à une chose : niquer, baiser, forniquer frénétiquement pour créer la vie ! Le plaisir, la jouissance est la récompense et surtout l'aiguillon qui fait que les sexes opposés se cherchent, se choisissent et s'éclatent dans la jouissance. Jouir, Loulle. La vie est faite pour jouir car c'est la survie de toutes les espèces qui en dépend. Après avoir copulé, le mâle peut crever : il a fait son œuvre. Quant à la femelle, la vraie porteuse de vie, elle devrait être vénérée, mise sur un piédestal.

    - D'accord pour le piédestal Victor, mais alors assez haut pour qu'elle ne puisse pas en descendre trop facilement pour nous les briser. Donc, c'est une bonne chose qu'on ne soit pas « immourable » comme disait Bert.

    - Bien sûr. Non mais t'imagine le foutoir s'il l'on ne mourrait plus ? Si toutes les créatures ne mourraient plus...tout en se reproduisant ? Les humains mais aussi les animaux, la végétation ? Sans la mort, c'est la planète qui serait condamnée à mort !

    L'écrivain de Nyons Barjavel a écrit un roman formidable, « Le grand secret »: un savant indien a mis au point le JL3, un sérum d’immortalité stoppant le vieillissement et supprimant la vulnérabilité aux maladies chez tout être vivant. Le JL3 se montre par ailleurs contagieux et pouvant se transmettre par voie respiratoire. Il en résulte une menace terrible sur l'humanité tout entière.

    - ...teng ! L'immortalité contagieuse. Fallait y penser.

    - Sans la mort pas d'évolution possible : tout ce qui vit serait figé dans une forme fixe et rigide. Sans la mort pas de créativité, pas de découverte, pas d'émerveillement et pas de spontanéité. Et puis Loulle, t'imagine d'être condamné à l'immortalité ? Obligé de vivre éternellement ? Qu'est-ce que tu foutrais ? Tu ne te lèverais pas le matin pour ouvrir ton rade : pas besoin de marner, tu serais « immourable ». Tu procrastinerais de longue ! Tu renverrais tout ce qui te coûterait quelque effort aux calendes grecques. Apprendre, se cultiver ? On verra dans deux siècles. Tu deviendrais rapidement inculte, imbécile, taré, bon à rien. Et tu t'emmerderais comme...un rat mort. Pour l'éternité !

    - C'est vrai que l'éternité, c'est long…

    - Surtout les derniers temps, comme dit Woody Allen ! Tè, on en a fait une chanson, à l'Académie des Amoureux de l'Aïoli :

    « Quand on est mort, faut s'donner du bon temps.

    L'éternité c'est long, surtout les derniers temps

    Quand ils font la Fête, la-haut, au paradis :

    Jésus avec sa croix, leur monte l'Aïoli ! »

    - Ah ! Elle est bonne Victor. T'as encore un bel organe ! Tè, je mets la tournée du patron. Mais dis-moi, les cagoulards, quand ils nous parlent de « la résurrection des morts », ils ne se foutraient pas un peu de notre gueule, non ?

    - Complètement. Non mais t'imagines, tu ressuscites et tu retrouves ta belle-mère qui t'a toujours gonflé les aliboffis ; tu retrouves le mec que t'avais baisé sa femme, même que c'est pour ça que t'es mort, qu'il t'a foutu un coup de fusil ? Et ils vont habiter où ces milliards de types et de typesses, de tous les âges. Des études disent que le nombre total d'humains ayant vécu sur Terre dans tous les âges serait de 108 milliards. Alors tous ensemble sur cette Terre, t'imagines...

    - Ils mangeront peut-être, mais ils devront manger debout ! Ils n'auront même pas la place pour s’asseoir !

    - Et ils vont se tirer une bourre pas possible. Tiens, les politicards par exemple : Napo se chicornerait avec Jules César tandis qu'Alexandre-le-grand remettrait le couvert avec Darius ou Gengis Khan. Oh ! le bordel !

    - Fatche ! T'as raison. Donc, Vive la mort ! Mais enfin Victor, tout de même, on a le temps.

    - On a encore le temps de sécher quelques barriques j'espère. Et puis fais gaffe Loulle : si tu meurs, je te tue !


    Victor Ayoli

     

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  • Au bistro de la toile. Éloge non-funêbre de Jean-Victor Ayoli

     

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    - Oh ! Loulle, je t’aime bien. Et toi aussi L’Anguille, et toi aussi Gaby, et toi aussi Thomas, et ti aussi Bert, et toi aussi Dédé, toi aussi Steph et toi aussi Jacques, et toi aussi Antonio, et toi aussi Momond…

    - Bè… Nous aussi on t’aime bien Victor. Mais qu’est-ce qui nous vaut ce débordement d’affection ? C’est parce que c’est le jour des morts ?

    - Y a un peu de ça Loulle. L’autre jour je suis allé à l’enterrement d’une personne que j’aimais beaucoup. À cette occasion, j’ai retrouvé une palanquée d’amis. Et alors, qu’est-ce qu’on vous trouve de qualités quand vous avez passé l’arme à gauche ! On a fait les « anciens combattants », on a fait revivre une époque révolue, on a chatouillé la nostalgie et finalement on a bien rigolé ! On a évidemment encensé notre ami parti, puis on a bu des canons… Putaing, Loulle, qu’est-ce qu’on a comme qualités quand on est mort ! Et on a trouvé très kon de ne se retrouver que dans des circonstances dramatiques.

    - Ah ! Ça, c’est bien vrai…

    - Alors ça m’a donné une idée Loulle.

    - Ah ! Ah ! Accouche Victor, le temps que je mette la tournée du patron.

    - Eh bien voilà. Je vous propose que, de temps en temps, l’un d’entre nous, piliers de cet antre de perdition si chaleureux, meure. Et qu’on lui fasse de belles non-funérailles.

    - Eh ! Oh ! T’es kon ou quoi ? Tu trouveras pas beaucoup de volontaires…

    - Qu’il meure, mais virtuellement, bougre de nifle ! Alors on enverrait un faire-part de non-décés à tous ses vieux amis. On mettrait… tè, par exemple pour moi, Loulle :

    « Nous avons la non-douleur de vous faire connaître le non-décés de notre cher Victor Ayoli, non-survenue hier. Les non-obsèques de notre ami auront lieu le 45 mars à l’heure du premier apéro au Bistro de la Toile.

    C’est son grand ami Loulle qui fera son éloge non-funêbre. Votre présence, si vous le pouvez, serait appréciée. »

    Alors tu me ferais un bel éloge non-funêbre dans lequel tu me trouverais, ou tu m’inventerais plein de belles qualités. Puis on ferait un gueuleton du tron de dieu ! On picolerait, on chanterait des chansons à boire et des chansons de cul, puis on irait aux putes ! Qu’est-ce que vous en dites les mecs !

    - Oh ! Fatche ! Ça, c’est une idée qu’elle est bonne !

    - Bon alors, banco. Tè, je non-meurs tout de suite ! Et tournée générale patron ! C’est le non-mort qui paie !

     

    ORAISON NON-FUNÈBRE de Jean-Victor Ayoli

    prononcée de son vivant et en sa présence, par mesure de précaution.

    (Style Frédéric Mitterrand)

    Tu es parti Ayoli, ô toi grand Jean-Victor

    Et l’odeur de tes pieds, sur nous tous, flotte encore.

    Pour ceux qui t’ont connu, il n’est pas de seconde

    Sans que résonne en nous ton immense faconde.

    Et la vision béate du cul de la Joconde.



    (Style André Malraux)

    Entre ici, Jean-Victor, et loge ta carcasse,

    Fier vaisseau bourlingueur de toutes les Sargasse!

    Étends-toi et occupe bientôt ce grand lit

    Pour les seigneurs de bringue et de grand aïoli.



    (Style Mimi du Panier)

    Putaing de con Jeannot, fallait pas t’en aller !

    Ton colosse en avait encore à empaler.

    Et nous sommes nombreuses à l’avoir affalé

    Sans oublier celles qui voulaient l’avaler.



    (Style Pacelli)

    Ne vous y trompez pas, mes sœurs et mes frères

    Et de cette idée-là, sachez ne point défaire.

    Jean-Victor Ayoli, croyez-le, est un grand saint

    Qui abrita toujours l’Amitié en son sein.

    Oremus



    Chants d’accompagnement :

    La femme qui pète au lit, La digue du cul, Soldat Moralès, Le marché de Brive la Gaillarde, Chant de marche de la Chorale des Costes du Rhône, le cordonnier Pamphile;A Max ainsi que, pour nos amis italiens Lo spassacamino, le osterie, la mia mame me diceva.

    Libations : Champagne, Châteauneuf-du-Pape, Côte Rôtie, saint-émilion, Fernet-branca.