J’ai acheté un sac de cocos de Paimpol
Et j’en ai écossé toute une casserole.
Quel bonheur lorsque arrivent ces succulents fayots
Qui rendent musiciens n’importe quel boyau !
En Provence, petit, ce qu’on appelle un "tian"
C’est un grand plat en terre, vernissé et brillant,
Ovale très souvent, ou tout simplement rond,
De largeur variable, mais jamais très profond.
Les potiers de village, au temps de nos grands-mères
Fabriquaient et cuisaient ces grands plats à tout faire.
Car on y faisait tout, dans ces récipients
Rustiques, allant au feu, solides, pas fainéants :
La barbe, la vaisselle, la toilette des gosses,
Les légumes à tremper, les fayots qu’on écosse.
Après quoi, bien rincés, sans prévention mesquine,
On s’en servait surtout pour faire la cuisine !
Ce grand plat à gratin, simple et astucieux,
Est aussi synonyme de repas copieux,
De nourriture simple en grande quantité,
Qu’en bonne compagnie on aime ingurgiter.
Notre tian de cochon et de haricots frais
Est bien dans la lignée des nourritures vraies.
C’est un plat que l’on fait lorsqu’on a récolté
Les tarbais, les pamiers ou les cavaillonnais,
Ces haricots fameux, moelleux, souples en bouche,
Aux accents musicaux, rocailleux et farouches,
Aujourd’hui, ce sera mes cocos de Paimpol.
Par chaque commensal, écossez-en un bol.
Inutile, bien sûr, de les faire tremper,
Lavez-les à grande eau et puis égouttez-les,
Cuisez-les à moitié, demi-heure environ
Dans beaucoup d’eau salée chantant à gros bouillons.
Tout ça m’a donné soif, petit, remplis mon verre
D’un bon blanc de Laudun, un vin vif et sincère,
Un vin qui donne soif, le vin que je préfère
Pour préparer au mieux la cuisine porchère.
Ton boucher t’a coupé une large rouelle
De jambon de cochon. Elle est épaisse et belle.
Tu vas la piquer d’ail et la frotter de sauge
Puis la mettre à four chaud un demi-tour d’horloge
Dans ton tian frotté d’ail et graissé au saindoux.
Quand ta viande est dorée, sale et poivre le tout,
Rajoute deux oignons émincés, trois tomates
Pelées, épépinées, thym, laurier, aromates.
Laisse fondre un moment puis déglace au vin blanc.
Égoutte maintenant tes haricots brûlants
Et mets-les dans le tian, au-dessus de ta viande
Vérifie les saveurs et poivre à la demande.
Tu mouilles, à niveau, par ton eau de cuisson
Et tu remets au four, chaud mais sans déraison,
Une heure ou même plus. Il faut que tes fayots
Gonflent sans éclater, en buvant toute l’eau.
Lorsque ton plat est cuit, juste avant de servir
Passe-le sous le grill afin de l’enrichir
D’une croûte dorée, odorante et aimable.
Parsème de persil et sers le tian sur table.
Accompagne ce plat d’un blanc vif, effronté,
Ou bien d’un vin primeur gouleyant et fruité.
Cessons pour aujourd’hui ce conte culinaire,
Ma tripe est assoiffée, remplis raz bord mon verre
De ce nectar divin de la Coste-du-Rhône
Et laisse près de moi la coupe et la bonbonne.
Ingrédients et proportions pour six personnes :
1 kilo de haricots frais (pamiers, tarbais, cavaillonnais, cocos de Paimpol), - 1 kg de rouelle de cochon, - 1 tête d’ail, - 1 hecto de saindoux, - 2 oignons émincés, - 3 tomates, - 10 feuilles de sauge, - thym, laurier, sel, - 2 verres de vin blanc, - 3 litres d’eau (pour la première cuisson des haricots).
Les vins conseillés :
Profitez de ce plat paysan pour apprécier les blancs vifs de la vallée du Rhône : blancs tranquilles de Saint-Péray, vins tranquilles du Diois, Saint-Gervais, Uchaux, Bollène, Mondragon, Piolenc, Sarrians, Bagnols-sur-Cèze, Codolet, Laudun, Saint-Just-d’Ardèche, Saint-Marcel-d’Ardèche, Villeneuve-Pujaut, Ventoux, Luberon. En vins du Languedoc : Quatourze, La Méjanelle, Picpoul de Pinet. En vins de Provence : Palette, Seillons, Source-d’Argens, Bruc-Auriac, Châteauvert.
Vous pouvez aussi accompagner ce plat avec bonheur par des vins primeurs : Rochegude, Sainte-Cécile-les- Vignes, Sabran, Codolet, Rochefort, Lirac, Laudun.
Illustration originale Vincent Barbantan
in GROSSIR (ou pas!) sans peine et sans régime