Il y a quelques jours, une personne qui m’est très chère – relativement âgée, fatiguée et vivant seule - a fait une chute. Pompiers, hôpital, attente aux urgences et diagnostic : fracture de la hanche… Dimanche matin, le chirurgien et toute son équipe ont opéré. Oui, un dimanche. Et dimanche soir, cette personne pouvait déjà être assise. Bravo et merci au formidable système de santé français. Bravo et merci à la compétence, la disponibilité, l’efficacité de tous ces personnels pas assez nombreux, trop sollicités, mal payés. Et pourtant là, prêts à soigner, à sauver leurs prochains.
Bien Victor. Mais en quoi cette situation personnelle peut-elle intéresser les lecteurs ? En ce sens qu’il faut la comparer avec ce qui nous guette et qui se passe tout près de chez nous, chez nos voisins belges et surtout hollandais, ce pays où règne sans partage un ultralibéralisme basé sur le culte de l’efficacité à tout prix.
À tout prix. C’est le bon terme. Car en Hollande, cette personne qui m’est chère aurait été confrontée à la culture de mort qui gangrène les milieux de la « santé » de ce pays, où la mentalité euthanasique continue de croître comme un mauvais chancre inguérissable, où il y a une forte poussée pour limiter la possibilité des actes chirurgicaux pour les patients de plus de 70 ans en consentant aux gériatres hospitaliers de décider s’il faut opérer ou non et s’il faut continuer à pratiquer des soins ou non !
En d’autres termes, la volonté du patient de continuer à vivre et à combattre les maladies pourrait ne plus avoir aucune valeur déterminante, seule deviendraient fondamentales l’opinion du gériatre et ses prévisions sur « les expectatives concernant la qualité de vie de la personne âgée ». Et ces horreurs – comble de l’hypocrisie – selon la présidente de l’Association de Gériatrie clinique de Hollande, le docteur Hanna Willem, parce qu’« arrêter les traitements équivaudrait à ajouter de la qualité de vie au patient ». Ben voyons ! À la poubelle les vioques. On voit où ceci nous mène : une assistance médicale à deux niveaux, avec d’un côté les patients qui devront se contenter de la Sécurité sociale – avec le droit de vie et de mort délégué à des conseils de médecins et de gestionnaires financiers - et de l’autre côté ceux qui seront assez riches pour se payer des médicaments non remboursés et des opérations coûteuses.
C’est le refus au droit à vieillir. Lu dans le grand quotidien belge Le Soir : « dans les Pays-Bas les patients de plus de 75 ans ne reçoivent plus d’implants de pacemaker à cause de leur âge. Pareillement les opérations pour substituer une hanche après une fracture et la pose de stimulateurs cardiaques sont exécutées uniquement après une évaluation des conditions générales du patient, son espérance de vie, etc. Cette euthanasie déguisée devient ainsi un moyen pour gérer l’augmentation des coûts de l’assistance sanitaire ! »
Pour le fric, pour le profit, toujours le profit, on tue les vieux Hollandais qui coûtent « un fric de dingue » et, à la place, on fait rentrer des migrants jeunes, solides, taillables et corvéables à merci et ne coûtant pas un rond à la Sécu hollandaise. On comprend qu’en Hollande et en Belgique, les vieux ont une peur panique d’aller à l’hosto !
Il s’agit ni plus ni moins du rétablissement de la peine de mort mais décrétée non pas par un jury populaire et des juges professionnels, mais par un collège de toubibs et de personnes de l’entourage du « patient » ! La porte ouverte à toutes les magouilles ou les intérêts les plus sordides le disputeront à la vraie compassion.
Attali – l’un des mentors de Macron - a soulevé il y a quelques années (L’homme nomade) des réflexions sur l’avenir qui sont dans l’air :
« Dès qu’il dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte alors cher à la société ; il est bien préférable que la machine humaine s’arrête brutalement, plutôt qu’elle ne se détériore progressivement. »
« On pourrait accepter l’idée d’allongement de l’espérance de vie à condition de rendre les vieux solvables et de créer ainsi un marché. »
« Dans la logique même du système industriel dans lequel nous nous trouvons, l’allongement de la durée de la vie n’est plus un objectif souhaité par la logique du pouvoir. »
« L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures dans tous les cas de figure… L’euthanasie deviendra un instrument essentiel de gouvernement. »
« Soleil vert », nous voilà…
On reconnaît la qualité d’une société à la façon dont elle traite ses Anciens.
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