Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

beaumarchais

  • Ouiquinde érotique avec Beaumarchais

    LOLITA-1.jpg

     

    L'épouse à la mode


    La jeune Elvire, à quatorze ans,
    Livrée à des goûts innocents,
    Voit, sans en deviner l'usage,
    Eclore ses appas naissants ;
    Mais l'amour, effleurant ses sens,
    Lui dérobe un premier hommage :
    Un soupir
    Vient d'ouvrir
    Au plaisir
    Le passage ;
    Un songe a percé le nuage.


    Lindor, épris de sa beauté,
    Se déclare ; il est écouté :
    D'un songe, d'une vaine image,
    Lindor est la réalité ;
    Le sein d'Elvire est agité,
    Le trouble a couvert son visage.
    Quel moment
    Si l'amant,
    Plus ardent
    Ou moins sage
    Pouvait hasarder davantage !


    Mais quel transport vient la saisir !
    Cet objet d'un premier désir,
    Qu'avec rougeur elle envisage,
    Est l'époux qu'on doit lui choisir ;
    On les unit :
    Dieux ! quel plaisir !
    Elvire en fournit plus d'un gage.
    Les ardeurs,
    Les langueurs,
    Les fureurs,
    Tout présage
    Qu'on veut un époux sans partage.


    Dans le monde, un essaim flatteur
    Vivement agite son cœur ;
    Lindor est devenu volage,
    Lindor méconnaît son bonheur.
    Elvire a fait choix d'un vengeur ;
    Il la prévient, il l'encourage :
    Vengez-vous ;
    Il est doux,
    Quand l'époux
    Se dégage,
    Qu'un amant répare l'outrage.


    Voilà l'outrage réparé ;
    Son cœur n'est que plus altéré
    Des plaisirs le fréquent usage
    Rend son désir immodéré ;
    Son regard fixe et déclaré
    A tout amant tient ce langage
    Dès ce soir,
    Si l'espoir
    De m'avoir
    Vous engage,
    Venez, je reçois votre hommage.


    Elle épuise tous les excès ;
    Mais, au milieu de ses succès,
    L'époux meurt, et, pour héritage,
    Laisse des dettes, des procès.
    Un vieux traitant demande accès :
    L'or accompagne son message...
    Ce coup d'œil
    Est l'écueil
    Ou l'orgueil
    Fait naufrage :
    Un écrin consomme l'ouvrage.


    Dans ce fatal abus du temps
    Elle a consumé son printemps ;
    La coquette d'un certain âge
    N'a plus d'amis, n'a plus d'amants :
    En vain, de quelques jeunes gens
    Elle ébauche l'apprentissage ;
    Tout est dit,
    L'amour fuit,
    On en rit :
    Quel dommage !...
    Elvire, il fallait être sage.

     

    Beaumarchais

     

    Photo X - Droits réservés